De qui parle vraiment Paul en brossant le tableau de cet homme déchiré ?
Et quelle importance pour nos vies?
Romains 7.14 à 20 : Nous savons, en effet, que la loi est spirituelle; mais moi, je suis marqué par ma nature, vendu au péché. Je ne comprends pas ce que je fais: je ne fais pas ce que je veux et je fais ce que je déteste. Or, si je fais ce que je ne veux pas, je reconnais par là que la loi est bonne. En réalité, ce n’est plus moi qui agis ainsi, mais le péché qui habite en moi. En effet, je sais que le bien n’habite pas en moi, c’est-à-dire dans ma nature propre: j’ai la volonté de faire le bien, mais je ne parviens pas à l’accomplir. En effet, je ne fais pas le bien que je veux, mais je fais au contraire le mal que je ne veux pas. Or, si je fais ce que je ne veux pas, ce n’est plus moi qui le fais, mais le péché qui habite en moi.
24, 25 : Malheureux être humain que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort? J’en remercie Dieu, c’est possible par Jésus-Christ notre Seigneur.
Ainsi donc, par mon intelligence, je suis esclave de la loi de Dieu, mais par ma nature propre je suis esclave de la loi du péché.
En ICHHTUS 27-28, Henri BLOCHER nous prévient :
La description que l’apôtre Paul fait, à la première personne, de l’homme divisé, ce désespéré qui fait le mal malgré son désir de faire le bien, est depuis des siècles le champ de bataille des interprètes. Laissons-nous avertir par la diversité des façons de comprendre, afin d’éviter que notre expérience, nous inclinant vers l’une d’elle, nous ferme aux autres.
Le champ de bataille du cœur de l’homme de Romains 7 serait donc aussi celui des théologiens ? Restons donc modestes en essayant d’y voir clair !
Alors, qui nous semble être cet homme déchiré ?
u n h o m m e n a t u r e l ?
Y a-t-il ce champ de bataille dans le cœur d’un tel homme ? Malgré l’appui du grand théologien F. Godet à cette option, j’aurais eu tendance à répondre sans hésitation que non, et c’est ce qui me l’aurait fait abandonner rapidement.
Cependant, force m’est de reconnaître qu’il y a quand-même des personnes encore irrégénérées qui sont sincèrement torturées par la présence du mal en eux, malgré leur désir d’être irréprochables. Mais n’est-ce pas déjà l’œuvre du Saint-Esprit en elles, pour les amener en fin de compte à Christ ?
Le commentateur d’Evangile.com écrit (pour Romains 7.15ss) :
Or, plus ce vouloir du bien et cette haine du mal deviennent forts, sans que l’impuissance d’accomplir l’un et de fuir l’autre diminue, plus l’homme sent grandir en lui cette lutte déchirante qui lui crée une situation intolérable. Le but de la loi était de provoquer ce conflit ; c’est ainsi qu’elle devient un « pédagogue pour nous conduire à Christ » (Galates 3.24).
Et cela reste vrai pour le chrétien, et rejoint ce qu’écrit Ed Miller (voir 3e partie) Mais notre homme de Romains 7 ? Quand un pécheur est aux prises avec le conflit intérieur entre l’aspiration produite par le Saint-Esprit et la résistance de sa chair, va-t-il raconter son combat comme on le trouve dans notre texte ?
Il nous semble que :
– soit la lutte aura abouti à sa reddition et à son allégeance au Seigneur, et il dira : « je ne faisais pas ce qu’au fond de moi je voulais, et je faisais ce que je détestais… »
– soit son combat se sera soldé par un échec, dû à l’endurcissement de son cœur, et si jamais il en parlait, il dirait à la rigueur : « En fin de compte, je choisis de continuer à ne pas faire ce qu’au fond je ne voulais pas vraiment, et je ne déteste pas tant ce que je fais ! »
– soit encore, si cette personne perdurait dans cette lutte pendant des années, voire toute sa vie, et si jamais elle en faisait un récit, ce qui est improbable, ce n’est certainement pas sous la plume de Paul, avec le pronom « je »…
Donc, quel que soit le cas, comment Paul pourrait-il écrire valablement « je » et parler au présent en racontant cette expérience ? Alors, avons-nous affaire à…
u n c h r é t i e n c h a r n e l ?
C’est l’hypothèse la plus répandue, et l’on fait valoir que ce passage contient 45 fois le pronom « je » ! Ed Miller répond que le psaume 23 contient 17 occurrences de ce « je ». David y apparaît-il comme charnel, dans le sens de « dirigé par sa chair » ? Et Paul, ici, donne-t-il vraiment cette impression ?
Évidemment, la Bible parle bien de chrétiens charnels, en contraste avec d’autres, qualifiés de spirituels :
1 Corinthiens 3.1 à 3 : Pour moi, frères, ce n’est pas comme à des hommes spirituels que j’ai pu vous parler, mais comme à des hommes charnels, comme à des enfants en Christ. Je vous ai donné du lait, non de la nourriture solide, car vous ne pouviez pas la supporter; et vous ne le pouvez pas même à présent, parce que vous êtes encore charnels. En effet, puisqu’il y a parmi vous de la jalousie et des disputes, n’êtes-vous pas charnels, et ne marchez-vous pas selon l’homme ?
L’apôtre s’attendait à pouvoir parler à des hommes spirituels à Corinthe, il constate qu’il a affaire à des hommes charnels !
Et il précise ce qui définit les hommes charnels :
– ils ont un retard de croissance : ils sont encore des enfants en Christ, au lieu d’avoir grandi en maturité en lui,
– par conséquent, ils ne supportent que la nourriture spirituelle de base et ne recherchent aucun aliment solide dans les Écritures,
– ils marchent selon leurs pensées et désirs, comme des hommes livrés à eux-mêmes, d’une manière tout humaine, et non conduits par l’Esprit,
– et donc produisent les fruits de la chair, et non ceux de l’Esprit.
Alors, l’homme de Romains 7, un chrétien charnel ?
Trouvons-nous vraiment ce tableau de 1 Corinthiens 3.1 à 3 en Romains 7 ?
J’en doute fort, jugez-en vous-mêmes :
– Comment justifier le « je » du texte ? L’apôtre Paul, un chrétien charnel ?
Ne le dit-il pas lui-même au verset 14 : la loi est spirituelle, et moi, je suis charnel, vendu et asservi au péché ? C’est très fort, non ? Donc, il ne peut s’agir de Paul lui-même ??
Mais quelles pirouettes accepter pour dire qu’en fait « je » n’est pas vraiment « je » ? Et comment justifier l’emploi du présent de l’indicatif : je ne fais pas ce que je veux ? Et ce cri pathétique « Misérable que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort peut-il se concevoir si Paul lui-même n’était pas concerné ?
Le commentateur de l’Évangile.com fait remarquer qu’ici, le mot « charnel » n’est pas péjoratif (dirigé par sa chair), mais qu’il rend simplement compte de notre condition d’homme fait de chair, condition qui est marquée d’origine (et non de fait immuable) par la domination du péché (vendu au péché).
L’auteur ajoute : Et cependant le pécheur ne perd jamais le sentiment de sa responsabilité ; dès qu’il rentre en lui-même, ce sentiment se réveille.
Notons encore que, tout comme l’homme naturel, le chrétien foncièrement charnel, qui lui ressemble beaucoup, (et qui n’est vraiment pas Paul !!) ne connaît souvent pas ce champ de bataille de Romains 7 dans son cœur !
Il est tranquille dans sa vie dirigée par son « Moi », et n’est que peu conscient de sa situation, car il connaît peu son cœur et encore moins son Dieu, n’étant pas encore pétri de la Parole de Dieu.
Pas encore ? Oui, s’il s’agit d’un jeune chrétien, d’un enfant en Christ, qui grandira.
Mais pour d’autres, il faut plutôt dire « n’étant plus pétri par la Parole de Dieu, ayant perdu la saine habitude d’en nourrir son âme !
Combien différent est l’homme de Romains 7 :
– il constate le décalage entre sa nouvelle vie d’enfant de Dieu et sa marche quotidienne encore trop marquée par les habitudes de son ancienne vie,
– il hait le péché en lui et le déclare contraire à ce qu’il veut fondamentalement en tant qu’être nouveau,
– il soupire après la délivrance de cette guerre civile en lui et de ce qui le pousse à mal agir malgré son appartenance à Christ,
– il identifie cette délivrance et loue le Seigneur pour sa victoire dans son cœur !
N’oublions pas cette dernière caractéristique, si importante, qui s’étend sur tout le chapitre 8. Un ami m’a dit que pendant de longues années, il ne s’écriait que « Misérable que je suis », sans pouvoir proclamer « Mais grâce soit rendue à Dieu… » Était-il un chrétien charnel ? Oh que non. Il était, comme vous et moi, un chrétien en marche, et, vivant dans la Parole de Dieu, il ne pouvait pas faire autrement que d’aboutir finalement au témoignage de 8.2 : En effet, la loi de l’esprit de vie en Jésus-Christ m’a affranchi de la loi du péché et de la mort.
Et si l’homme de Romains 7 était juste arrivé à la maturité suffisante pour déceler rapidement le péché dans son cœur et le traiter radicalement avec les ressources de Christ ? Et si cet homme était tout à fait le même que celui de Romains 8, c’est-à-dire :
u n c h r é t i e n m û r ?
C’est évident que Paul n’a pas changé de statut entre Romains 7 et Romains 8, d’autant plus que le rai de lumière vient encore au chapitre 7, et qu’il ne s’est pas préoccupé de chapitrages en écrivant ! Ed Miller écrit :
Alors, trouvez-vous l’apôtre Paul trop spirituel pour qu’il ait voulu s’inclure lui-même dans le tableau de l’homme de Romains 7 ? Quelqu’un dira : « C’est peut-être qu’il aime le péché. » ? Non les amis, ce n’est pas ce que je lis. Le verset 7.15 dit: « Je fais ce que je hais. » Dans ce chapitre, le « Je » hait le péché. Est-ce que vous aimeriez être comme cela ? Je peux vous dire que lorsque je lis un passage comme celui-ci, je ne vois pas de chrétien charnel. Je ne vois pas de rétrograde. Je vois quelqu’un à qui j’aimerais ressembler. // C’est un homme spirituel qui parle ici. Ce ne sont pas les confessions d’un chrétien charnel. Ce sont les confessions d’un soldat de la croix dont les pensées sont centrées sur le ciel, de quelqu’un qui a compris Dieu, qui a faim de Dieu et qui hait le péché.
MAIS : Ed Miller continue plus loin :
Paul dit : « J’ai une meilleure façon de faire. » Dans les versets 7:24-25, il dit: « Loué soit Dieu, il m’a donné la possibilité d’être délivré de ce corps de mort ! » // Paul ne parle pas d’être délivré dans la bataille. Il parle d’être délivré de la bataille. La bataille a déjà été faite par le Seigneur Jésus et il dit : « Vous n’avez pas besoin de la faire à nouveau. » Paul dit qu’il y a une nouvelle façon de faire, une façon vivante. Le v. 8.2 dit : En effet, la loi de l’esprit de vie en Jésus-Christ m’a affranchi de la loi du péché et de la mort.
http://www.connaitrechrist.net/Site/EM/Romains/Romains12.htm
Autrement dit, tant que nous sommes dans cette chair, le chrétien mûr connaîtra ce conflit intérieur, jusqu’à ce qu’il réalise à chaque fois (et peut-être de plus en plus vite) que Christ a remporté cette victoire, qu’il n’a pas à la re remporter, mais à se confier dans la victoire de son Rédempteur, donc de se concentrer sur Christ, notre vie !
Je viens de lire :
2 Corinthiens 2.14 : Que Dieu soit remercié, lui qui nous fait toujours triompher en Christ et qui propage partout, à travers nous, le parfum de sa connaissance !
De tels « secrets de victoire » ne nous feront pas oublier ce que Pierre nous dit :
2 Pierre 1.5 à 8 : Pour cette raison même, faites tous vos efforts pour ajouter à votre foi la force de caractère, à la force de caractère la connaissance, à la connaissance la maîtrise de soi, à la maîtrise de soi l’endurance dans l’épreuve, à l’endurance l’attachement à Dieu, à cet attachement l’affection fraternelle, et à l’affection fraternelle l’amour. Car si vous possédez ces qualités, et si elles grandissent sans cesse en vous, elles vous rendront actifs et vous permettront de connaître toujours mieux notre Seigneur Jésus-Christ.
Merveilleuse interaction entre ce qui nous est demandé, et qui, inévitablement se heurtera à la résistance du péché en nous, et l’action sanctifiante de Christ par le Saint-Esprit en nous ! Ces « efforts » nous amènent finalement à nous jeter aux pieds de notre Sauveur, à expérimenter sa suffisance, et à croitre dans notre connaissance de Christ, qui, elle-même, nous armera pour résister au péché et nous recentrer sur notre Sauveur !
Terminons par une citation de David Powlison :
Bien qu’il existe de nombreuses façons de changer les gens, le counseling biblique ne vise rien de moins que la transformation à l’image de Jésus-Christ au milieu des difficultés et des tourments de la vie quotidienne.
Le changement n’est pas instantané, il s’effectue progressivement tout au long de la vie.
Cette conception de la sanctification comme progressive a de nombreuses implications. Par exemple, ce processus de changement n’est guérison que d’un point de vue métaphorique, non réellement. Cette métaphore est destinée à montrer le processus de sanctification : repentance permanente, renouvellement de l’esprit qui tend vers la vérité biblique et obéissance dans la puissance de l’Esprit.
Sept présupposés majeurs du counseling biblique (5e point)
Complément :
V20: Et si je fais ce que je ne veux pas, ce n’est plus moi qui le fais, c’est le péché qui habite en moi. – ??
En relation avec ce verset, je trouve intéressant ce qu’écrit Dominique Angers, dans son Commentaire pratique du Nouveau Testament (Éphésiens), p 258ssp
Éphésiens 4.22 se débarrasser de votre ancienne manière de vivre
Cela consiste à vous débarrasser de votre ancienne manière de vivre, celle de l’homme que vous étiez autrefois et qui se corrompait en suivant ses désirs trompeurs.// La conversion implique un changement radical : lorsque Dieu nous unit à Christ, l’« homme ancien» (verset 22) est remplacé par un « homme nouveau» (verset 24). Cependant, la possibilité de faire marche arrière et de vivre selon l’homme ancien existe toujours. En conséquence, les chrétiens, dans leur marche quotidienne, ne cessent de se défaire de l’homme ancien. Cela ne se fait pas automatiquement, mais requiert un engagement volontaire de chacun.//
Une fois de plus, la tension « déjà/pas encore» est éclairante. Déjà, par notre union à Christ, nous nous sommes débarrassés de l’homme ancien. Pourtant, ce dernier n’a pas encore totalement disparu. En d’autres termes, la personne que nous étions avant de rencontrer Christ continue d’avoir une certaine influence sur notre marche quotidienne. Il nous appartient de couper court à cette influence néfaste.
Mais attention ! Paul ne souscrit pas à la théorie de la double personnalité. Il ne s’exclame pas, avec Jean Racine : « Mon Dieu! quelle guerre cruelle ! Je trouve deux hommes en moi ».
Dominique Angers cite Henri Blocher à ce sujet :
Le Nouveau Testament ne présente nulle part le « vieil homme» et l’« homme nouveau» comme deux sujets coexistant dans le présent, tels Ésaü et Jacob dans le sein de leur mère ! Le « vieil homme » nous semble plutôt un « personnage » qu’une « personne »; de ce « personnage » qui a été condamné, dont nous nous sommes en principe défaits en nous appliquant l’œuvre du Christ, nous avons à faire se nécroser les « membres », entraves de notre sanctification, la colère, l’injure, le mensonge … (Col 3.8ss) Henri BLOCH ER, La doctrine du péché et de la rédemption, Vaux-sur-Seine, Édifac, 2000, p. 310.
Et Dominique Angers conclut :
Se défaire de l’homme ancien, ce n’est pas taire la moitié de soi qui est portée vers le mal. C’est plutôt dire non à notre « ancienne manière de vivre» (verset 22). C’est refuser de se replonger dans son passé honteux. L’homme ancien, celui que nous étions autrefois, « se corrompait en suivant ses désirs trompeurs» (verset 22 ; voir 2.3) : il est voué à la destruction. À quoi bon ouvrir la porte de notre cœur à cet étranger ?
Une coupure avec notre passé s’avère donc nécessaire. Débarrassons- nous de cet homme d’autrefois, de ce « personnage » qui ne correspond absolument pas à ce que nous sommes devenus, maintenant que nous sommes au bénéfice d’une vie nouvelle !
Chaque jour, nous nous débarrassons de l’homme ancien (verset 22) et nous nous revêtons de l’homme nouveau
(verset 24). Nous sélectionnons nos habits avec soin.
Bien fraternellement, Claude
Voir aussi : Comment la théologie biblique façonne notre pensée dans la relation d’aide ?
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Merci pour cette analyse, à laquelle j’adhère pleinement !
Effectivement mon souhait est de réaliser de « plus en plus vite » que Christ a remporté cette victoire, qu’il n’a pas à la re remporter !
Romain 7 sans Romain 8 serait trop triste, et je trouve si bon en tant que chrétien de pouvoir proclamer ces paroles de Romain 8, nous rappeler ainsi la victoire de Jésus sur la Croix, qui nous a libéré de ce « corps de mort »!
Ce Romain 8 qui n’aurait pas eu lieu sans la mort et la résurrection de Jésus, et sans quoi nous aurions été « les plus malheureux de tous les Hommes » !
Tout ça m’a donné envie de relire Romain 7 et Romain 8, tellement bienfaisant !
« Il n y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus Christ » (Romain 8:1)
Amen !
Oui, amen !!