Écho aux articles sur les péchés des ancêtres (Jean-Paul PELSY)

Ce thème de la confession du péché des ancêtres suscite en moi beaucoup de souvenirs, de remarques et au moins autant d’interrogations, mais également toute une masse de déceptions.

Vais-je arriver à départager ces différents aspects qui forcément s’entremêlent ? D’emblée, je dirais qu’il en est deux que je n’arriverai pas à dissocier, ce sont les souvenirs et les déceptions, ou désillusions ce qui serait sans doute le terme le plus juste.

Par la force des choses, plus que par choix, mes parents étaient des disciples inconditionnels d’Émile Kremer. Comment aurait-il pu en être autrement, puisqu’ils ont grandi dans l’église dont il était LE conducteur ? Il avait connu une expérience de conversion assez radicale peu avant d’être nommé ancien dans cette église où il apporté un « vent nouveau ». Avec du recul, je serais porté à dire que c’était plutôt un ouragan.

Très tôt il s’est beaucoup intéressé au mouvement pentecôtiste naissant, ce qui l’a fortement marqué dans bien des domaines, notamment dans celui de la direction de l’église par une seule personne, se référant pour cela à l’exemple de Moïse qui était LE conducteur incontesté et incontestable du peuple d’Israël, choisi par Dieu.

Celui qui se risquait à s’opposer à lui était comparable à Aaron et Myriam qui ont osé s’opposer à Moïse avec les conséquences que l’on sait ! C’était une manière de « diriger » l’église qui convenait très bien à sa personnalité autoritaire, quoique également compétente.

Mais, soit on acceptait de se placer sous son autorité ET influence, soit on s’écrasait, soit on partait, ce que beaucoup ont fait à cette époque-là, malheureusement.

L’ancien qui l’avait précédé dans cette charge était décédé subitement à 55 ans d’une pneumonie, quelques années auparavant et cette église s’est trouvée comme orpheline, les autres responsables se sentant démunis face à la situation. (Toute) La place était donc à prendre ! Un membre de cette église m’a dit des années plus tard : « il était au 1er rang avant sa conversion, il était de nouveau au 1er rang après ».
Ceci peut expliquer pourquoi mes parents, et bien d’autres qui étaient bien plus jeunes et pour qui il était le « père spirituel » n’avaient pratiquement pas d’autre choix que de suivre sans chercher à comprendre , y compris, évidemment, ceux que lui-même avait choisis pour l’assister dans le ministère puis lui succéder.

Voilà pour planter le décor d’un aspect de la situation qui prévalait quand, un beau jour, il a été question de « liens provenant de péchés d’abomination commis par les pères jusqu’à la 3ème et la 4ème génération ».

Pour rejoindre Henri Blocher, il faut encore ajouter que cela se passait effectivement « au sein de famille rurales, constituant depuis longtemps une microsociété repliée sur elle-même », le milieu amish. En effet, au sein des assemblées anabaptistes, depuis le 17e siècle, une tradition très stricte avait, petit à petit, pris la place d’une foi véritable et vivante dans la vie chrétienne personnelle et dans le culte

Pour compléter le tableau, il faut dire qu’un « réveil en douceur » avait eu lieu dans cette église au cours des 20 années précédentes sous l’influence de cet ancien décédé tragiquement, lequel avait connu une conversion de genre piétiste et avait fréquenté l’école biblique de Sainte Chrischona (du nom de l’emplacement de cet institut de formation théologique près de Bâle)

Certes on ne change pas fondamentalement, même en le faisant en douceur, une société aussi traditionaliste que celle-là.

Mais je me souviens que le cantique préféré de ma Grand-maman, de la même génération que cet ancien disait, entre autres, « Seul le sang de Jésus et sa justice sont le vêtement avec lequel je pourrai me présenter devant Dieu pour entrer au ciel » (Auteur Zinzendorf et traduit imparfaitement de l’allemand).

Quand on connait la tradition amish, on mesure le chemin parcouru. Néanmoins, des décennies d’une telle tradition, ça laisse des traces !.Des pratiques tant superstitieuses que parfois occultes étaient venues remplacer une foi véritable qui s’était endormie.

Aussi, ce n’est pas faux quand Henri Blocher écrit : «  la cure d’âmes avait conduit Émile Kremer à repérer à l’origine de problèmes sérieux, de blocages spirituels, des péchés des péchés dits d’abomination (de trafic occulte plus ou moins lourd, même le simple recours à un guérisseur) commis par un ancêtre, parfois à l’insu de la personne affectée ».

C’est donc dans cette situation qu’est tout à coup apparue cette théorie de la nécessité de confesser les péchés commis par les ancêtres. Comme on peut s’en douter ce fut « suivi sans chercher à comprendre, ni sans avoir rien à redire ! ».
Cette théorie fut donc, comme l’écrit aussi Henri Blocher, systématisée, voire aggravée par des disciples d’Émile Kremer. Je n’ai pas de raisons de mettre en doute ce qu’écrit Henri Blocher, quand il dit : « Émile Kremer avait été l’instrument de la libération de plusieurs, grâce à la confession des péchés-causes, à haute voix, devant le directeur spirituel ».

Cependant personnellement, bien qu’étant « tombé dedans dès tout petit », je n’en ai pas connu ! Au contraire, je connais personnellement plusieurs personnes, qui, ayant subi  l’application systématique de cette théorie, en ont porté les stigmates tout au long de leur vie et ne s’en sont jamais remises. Aussi j’adhère à fond à la conclusion que donne l’auteur du podcast (Guillaume Bourin) :

« Ce n’est pas d’imposition des mains dont vous avez besoin. C’est de discipulat, d’accompagnement que vous avez besoin ! »

Cette conclusion me permet d’aller plus loin dans l’examen de la systématisation des pratiques de délivrance, d’imposition des mains etc… Celle-ci accrédite l’idée que nous sommes finalement surtout victimes de toutes sortes d’influences, de puissances et que sais-je, encore extérieures à nous-mêmes, et qu’en définitive notre comportement est dicté d’avance par ces choses, et notamment en raison de notre héritage des ancêtres.
J’ai entendu l’un des disciples d’Émile Kremer affirmer qu’il était inévitable que David commette adultère, parce que son aïeule était une prostituée !!
S’il en était ainsi pourquoi Boaz, qui était bien plus proche parent de Rahab a-t-il eu un comportement plus que remarquable avec Ruth ?
D’une certaine manière, c’est commode, ça me permet de minimiser ma responsabilité personnelle, et de l’attribuer à quelqu’un ou quelque chose d’autre. Cependant Jésus n’a-t-il pas enseigné en Matthieu 15: 11 :

Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui rend l’homme impur, mais ce qui sort de la bouche. Voilà ce qui rend l’homme impur.

Il dit encore en Marc 7:21 :

En effet, c’est de l’intérieur, c’est du cœur des hommes que sortent les mauvaises pensées, les adultères, l’immoralité sexuelle, les meurtres .

En d’autres mots, c’est ce que nous produisons au fond de nous-mêmes  qui nous rend impurs. Ainsi il est également commode de croire (et faire croire ) que des séances de délivrance vont régler la situation une fois pour toutes ! J’ose affirmer que si de telles séances ne sont pas accompagnées par ce que j’appellerai une reprise en mains de ma vie, c’est-à-dire en exerçant toutes les responsabilités que le Créateur m’a confiées, ma situation sera pire qu’auparavant.

Rappelons-nous Matthieu 12. 43 à 45 :

Lorsqu’un esprit impur est sorti d’un homme, il va dans des endroits arides pour chercher du repos, et il n’en trouve pas. Alors il dit: ‘Je retournerai dans ma maison, d’où je suis sorti.’ À son arrivée, il la trouve vide, balayée et bien rangée.  Alors il s’en va prendre avec lui sept autres esprits plus mauvais que lui; ils entrent dans la maison, s’y installent, et la dernière condition de cet homme est pire que la première. 

Certes, ce « vide » peut-être interprété de bien des manières. Si je ne prends pas ma vie en mains, elle est « vide » et, nous le savons tous, la nature a horreur du vide. Ce n’est pas sur ce blog qu’on me dira le contraire :

Notre Créateur a voulu que nous soyons des êtres responsables !

Par la nouvelle naissance, nous avons été unis à Jésus Christ, greffés sur le Cep, nous  sommes devenus une même plante avec lui.
Dans cette parabole du Cep et des sarments Jésus affirme : « Sans moi vous ne pouvez rien faire ! » Mais ne nous propose-t-il  pas un énorme défi :
Avec moi VOUS serez en mesure de porter le fruit qui est attendu de vous, en particulier le fruit de la repentance qui est un changement de conduite ?

Ce sont bien les sarments et non le Cep qui portent le fruit. Si le vigneron émonde ces sarments c’est bien que leur implication est engagée dans cette action. sinon l’émondage serait inutile car le fruit se produirait malgré eux, ou du moins par une autre action que la leur.

Ainsi unis à Jésus-Christ, nous pourrons mener une vie nouvelle (Rom 6, 4 et svts). De cette manière, notre maison ne sera pas « vide », mais nous serons à… deux personnes parfaitement responsables à l’occuper.

Aussi, « reprendre notre vie en mains » signifiera vouloir mener cette vie nouvelle qui est largement décrite tant dans les évangiles que dans les épitres. L’un des éléments essentiels de cette vie nouvelle, c’est ce que j’appelle une « veille préventive » qui se dote d’une « éthique de responsabilité« . Je m’explique : je pense à Job qui dit « J’avais fait un pacte avec mes yeux. » Ce qu’on peut assimiler à une ligne de conduite, voire un genre de jeûne que Job s’impose.

Cette éthique de responsabilité ne doit cependant pas devenir une loi stérile et ankylosante, mais être le fruit d’une relation vivante avec notre Sauveur et Seigneur, telle celle du cep et du sarment.

Venons-en encore au principe même de la responsabilité des descendants par rapport aux péchés de leurs ancêtres.
Dans sa réponse à la question « Doit-on « payer » pour les péchés des ancêtres ? », Florent Varak fait remarquer qu’Ézéchiel 18 « corrige » d’une certaine manière une compréhension erronée au sein du peuple d’Israël par rapport aux textes, relativement nombreux, où il est dit : «  Je suis un Dieu jaloux, qui punis la faute des pères sur les fils jusqu’à la troisième et à la quatrième (génération) de ceux qui me haïssent ».
Je n’en reprendrai ici qu’un seul extrait :

Non, pas de punition « générationnelle ». 1) La loi met en avant la responsabilité individuelle associée de conséquences personnelles.
On ne fera pas mourir les pères pour les fils, et l’on ne fera pas mourir les fils pour les pères ; on fera mourir chacun pour son péché.  nous rappelle Deutéronome 24.16, dont s’inspirera le roi Amatsia (2 Rois 14.6).

En définitive, n’est-ce pas aussi ce que Jésus lui-même a fait quand en Jean 9, on lui amena un aveugle de naissance avec la question : « qui a péché, lui ou ses parents » ? N’était-ce pas l’occasion rêvée pour apporter un enseignement à propos de cette théorie ? Or Jésus n’y fait pas la moindre allusion. C’est tout juste s’il ne dit pas à ses interlocuteurs : « vous n’y comprenez rien du tout ! »

Néanmoins, si nous avons pu écarter une responsabilité systématique des descendants par rapport aux péchés de leurs ancêtres, les lois de l’hérédité sont bien réelles, comme le confirment aussi bien Henri Blocher que Florent Varak dont je recopie encore un extrait :

Prendre conscience. C’est éclairant de comprendre les modèles familiaux qui nous ont forgés. Ce n’est pas une fatalité, mais c’est l’opportunité de se repentir de ce que nous avons tendance à imiter et chercher le renouveau de l’Esprit.

Pour conclure, je citerai encore une fois Florent Varak :

Les yeux ouverts sur les influences qui nous ont formatés, la confession ferme de notre foi dans la grâce qui nous est accordée, nous pouvons nous lamenter sur les péchés qui nous ont précédés et qui nous entourent. Nous pouvons intercéder que Dieu nous délivre de cette influence. Mais nous pouvons aussi nous réjouir calmement mais avec détermination qu’en Christ, toutes choses sont devenues nouvelles.

Amen, Alléluia !

Jean-Paul Pelsy est, comme moi, un « ancien ancien » d’une communauté évangélique, toujours actif dans son église locale. On aura compris qu’il a réagi  aux articles qu’on trouve ici : La confession du péché des ancêtres  ? (Henri Blocher)

J’avoue que j’ai hésité à publier tant d’écrits sur un sujet auquel beaucoup de lecteurs n’ont peut-être jamais été confrontés. Et pour cet article, mon hésitation s’est doublée de mon embarras devant l’exposition des travers d’un serviteur de Dieu…
Trois considérations m’ont décidé, avec joie :
– ce qui est dit ici par rapport à l’arrivée d’une doctrine déviante dans une communauté est très instructif pour d’autres séductions altérant l’ Évangile de la suffisance du sacrifice de Christ,
– nous avons ici le regard de quelqu’un qui a vécu les choses de l’intérieur !
– enfin, loin de la polémique et des règlements de compte ou d’un esprit de dénonciation, on sent  le souci pastoral d’un frère au cœur brûlant !
Son texte édifie !
Merci Jean-Paul !

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4 réflexions sur « Écho aux articles sur les péchés des ancêtres (Jean-Paul PELSY) »

  1. Article encore une fois très intéressant !
    Il nous montre un des pièges de cette doctrine, à savoir rejeter notre responsabilité et de ce fait passer à côté de la Grâce libératrice !
    Et il ne nie pas non plus le « poids » que peut avoir le péché des ancêtres sur nos vies, car oui, c’est quand même une réalité, les conséquences de certains péchés peuvent se vivre plusieurs générations après : MAIS nous restons responsables face à notre comportement !
    On peut être victime de blessures ou autres péchés de nos parents ou grands parents, mais on ne doit pas rester victime : nous restons acteurs de nos vies !
    Et, la bonne nouvelle c’est que si nous acceptons que Jésus soit l’acteur principal de notre vie, il n’y a plus de fatalité ! 🙂

  2. Ces articles s’avèrent utiles pour régler le compte à un sujet qui a fait bien des dégâts. Cette influence d’interprétation de textes « au-delà de ce qui est écrit », elle nous a aussi affectés quand des âmes (trop) bien pensantes ont cru nous les assener dans les périodes où l’épreuve a débordé… « il y a des gens qui vous troublent »: j’ai appris à rejeter maintenant ce type d’interventions nourries de propre-justice, au lieu de la Grâce

    1. Tu fais bien de dire « régler le compte à un sujet », et non à celui qui l’a promu. À la réflexion, quand notre communauté a été confrontée à cet enseignement de nos voisins, nous l’avions rejeté, mais… nous n’étions pas exempts de cette mentalité que Jean-Paul déplore. Celle qui a tendance à chercher notre problème en-dehors de notre propre cœur, et la solution en-dehors de Christ et de la grâce, comme tu dis, Denys ! Pour notre assemblée, l’ennemi était « le monde », avec les lieux de plaisir, l’habillement etc., mais l’oppression collective était la même ! Par cette grâce de Dieu, nous avons pu nous dégager de ce piège. Et le danger, il se trouve à l’extrême inverse, la coolitude, la légèreté face au péché, l’individualisme, le menu à la carte spirituel via internet… Dieu soit loué, nous avons 4 anciens qui tiennent fermement le cap ! 🙂

  3. Merci à Jean-Paul de son témoignage et de ses réflexions, puissent-elles être utiles à ceux que cette question préoccupe !

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