Premières observations

par Dudley WARD

Dans votre entourage, tous ceux qui ne sont pas sauvés sont-ils « totalement portés à tout mal » ? J’expliquerai plus tard l’usage particulier que Paul fait de sa citation du Psaume 36 dans Romains 3.10.

Premières observations sur la dépravation totale

Ceux d’entre nous qui ont connu la guerre savent que les êtres humains accomplissent parfois des actions nobles et héroïques. On sait que des soldats acceptent spontanément de se sacrifier pour sauver la vie de leurs camarades. Nous devons nous demander si la description du comportement humain que donnent les Confessions de Foi de Calvin et de Westminster est appliquée correctement. Je tenterai de mettre en évidence qu’elles révèlent une théologie bien lacunaire sur ce point et qu’elles contredisent des faits observés quotidiennement.

Des voisins se rendent souvent des services appréciables sans prétendre avoir été régénérés par l’Esprit de Dieu. Pour conserver intacte leur conception de la souveraineté de Dieu, les défenseurs de la théologie TULIP sont enclins à brosser de la nature déchue de l’homme le portrait le plus sombre possible, pour mettre en relief le caractère sublime de la souveraineté de Dieu. Certes, la sainteté de Dieu, sa bienveillance et sa bonté transcendent tout ce que notre capacité humaine pourrait décrire, mais la Bible dans son ensemble ne décrit nulle part tous les inconvertis dans les termes lugubres de TULIP.

Rappelons-nous toujours que Corneille peut se comparer au centurion des Évangiles, car tous deux sont décrits comme des hommes craignant Dieu et qui avaient fait preuve de charité avant de recevoir Jésus dans leur vie. Les hommes qui s’assemblèrent pour écouter le témoignage de Pierre et l’accepter, tel qu’Actes 2 le rapporte, sont présentés, eux aussi, comme des hommes pieux, même avant leur conversion. (cf. Luc 7.4-5; Actes 2.5 et Actes 10.2-4.)

Il est urgent que nous revenions à une vision bibliquement équilibrée de la nature pécheresse de l’humanité. Le Nouveau Testament ne dément pas l’enseignement, les exemples et les commentaires moraux de l’Ancien Testament. Les deux Testaments se complètent parfaitement. Le Psaume 10 décrit clairement le comportement des méchants. Notons cependant que ce psaume ne décrit pas uniquement la condition universelle de l’homme pécheur, puisqu’il parle des souffrants au verset 17, des orphelins et des opprimés au verset 18. Mais ce ne sont pas ces gens qui sont au cœur de ce psaume. Celui-ci dénonce particulièrement le comportement des méchants et non de l’humanité en général.

Toutes les personnes non sauvées que vous côtoyez approuvent-elles le cupide, persécutent-elles le pauvre, et ont-elles la bouche remplie de malédictions, de tromperies et de fraudes ? Ont-elles toutes de la malice et de l’iniquité sous la langue ? Ce psaume brosse le portrait détaillé de celui qui ne cherche pas Dieu, qui décide de se passer de Lui (versets 4 et 13) ; cet individu se différencie des nombreux autres qui cherchent librement Dieu. D’ailleurs pourquoi le psalmiste indiquerait-il que ces méchants ne recherchent pas Dieu si ce refus de Dieu était la caractéristique de toute l’humanité ? Méditons ce psaume et demandons-nous s’il correspond bien à la description de la dépravation selon la théologie TULIP.

Certains théologiens calvinistes voudraient que nous saisissions la différence entre dépravation totale et dépravation complète. Mais pour les dictionnaires, ces deux adjectifs sont synonymes. Pour bien saisir les subtilités de la théologie TULIP, il a fallu que certains de ses principaux défenseurs contemporains inventent leurs propres définitions. Comme l’histoire, la théologie peut être très subjective. Combien il nous est difficile de ne pas chercher dans les pages de l’Écriture un appui à nos idées préconçues !

Premières observations sur l’étendue de la mort expiatoire du Christ

Le monde évangélique est marqué par un profond désaccord quant à l’étendue de l’œuvre expiatoire de Christ. L’Évangile déclare que Jésus est mort pour les péchés de toute l’humanité sans exception, et pourtant de nombreux chrétiens le nient ! Ils affirment que Jésus n’est mort que pour ceux que Dieu a choisis avant l’origine du temps. Ce livre cherche à déterminer laquelle de ces deux opinions représente la Bonne Nouvelle contenue dans les pages de l’Écriture. Il s’efforce aussi de montrer que l’être humain est certes une créature déchue, mais en aucun cas « totalement portée à tout mal », à quelques exceptions près. Au même titre que son appartenance à la race humaine déchue, le simple fait qu’il pèche suffit pour qu’il ait besoin de l’œuvre expiatoire de Jésus pour lui. D’après Romains 3.23, « tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu. » Le fait d’être privé de la gloire de Dieu est autre chose qu’être « entièrement corrompu en tout, » selon l’expression des Canons de Dordrecht.

L’apôtre Jean nous rappelle la principale raison de notre condamnation : « Celui qui met sa confiance en Lui n’est pas condamné, mais celui qui n’a pas foi en Lui est déjà condamné, car il n’a pas mis sa confiance en la personne du Fils unique de Dieu. Et voici en quoi consiste sa condamnation : c’est que la lumière est venue dans le monde, mais les hommes lui ont préféré les ténèbres, parce que leurs actes sont mauvais » (Jn 3.18-19).

Pourtant, l’article 6 des Canons de Dordrecht dit :

« Quant à ce que Dieu donne en son temps la foi à certains, et ne la donne point à d’autres, cela procède de Son décret éternel… Selon ce décret, Dieu amollit par grâce le cœur des élus, quelque durs qu’ils soient, et les fléchit à croire, mais par juste jugement, Il laisse ceux qui ne sont point élus dans leur méchanceté et leur dureté. »[1]

Et l’article 7 :

« L’élection est le propos immuable de Dieu, par lequel, selon le très libre et bon plaisir de Sa volonté, par pure grâce, Il a, en Jésus-Christ, élu au salut avant la fondation du monde – d’entre tout le genre humain déchu…– une certaine multitude d’hommes. »[2]

L’apôtre Paul insiste sur la nécessité absolue de placer notre foi dans le Dieu vivant plutôt que dans des systèmes théologiques. Il décourage quiconque de se définir autrement que « chrétien » ou « en Christ ». Tenons compte de ses paroles dans 1 Corinthiens 1.12 : « Je veux dire que chacun de vous parle ainsi ; moi, je suis de Paul ! – et moi, d’Apollos ! – et moi, de Céphas ! – et moi, de Christ ! » C’est tout à fait contraire à l’esprit de l’Écriture de vouloir revendiquer l’appartenance à un système théologique historique particulier, même celui de Calvin.

Si quelqu’un a marché de nombreuses années avec Dieu et tient compte de tous les bienfaits que l’érudition lui procurent, ne pourrait-il pas comprendre la nature de Dieu et ses interactions avec les hommes aussi bien que Calvin, et même mieux, si on considère les connaissances limitées de son époque ? Pourquoi tellement de gens se sentent-ils intérieurement poussés à fonder leurs convictions sur un appui humain ? Chacun ne peut-il pas s’assumer tout seul, quitte à se retrouver seul et s’appuyer sur les déclarations claires du solide fondement des Écritures ?

Paul semble dire qu’il serait tout aussi erroné de notre part de cataloguer d’autres chrétiens ou groupes de chrétiens en caricaturant leur vie et leurs croyances. L’histoire fournit toujours de nombreux exemples de ce comportement indigne qui est grandement responsable de la division au sein de l’Église ; rien ne semble pourtant arrêter les calomnies.

Mais comme des milliers de nos frères dans la foi se déclarent calvinistes, je conserverai ce nom dans le livre et tenterai de montrer qu’en dépit de ce qu’il y a d’excellent dans l’enseignement de Calvin, les cinq points de TULIP reposent sur un fondement douteux. Cela dit, il est vraisemblable que certains calvinistes soient plus près que Calvin de la vérité spirituelle à certains égards. Sachons enfin que tous ceux qui se déclarent calvinistes ne souscrivent pas forcément pour autant aux cinq points de la doctrine TULIP.

[1] Les Canons de Dordrecht, op. cit., p. 31.

[2] Ibid., p. 32.

Dudley WARD se définit comme missionnaire, engagé avec son épouse Jill dans l’évangélisation, la distribution de littérature, l’encouragement des serviteurs de Dieu dans leur passion pour le ministère chrétien.
Cette série d’articles est tirée du livre de Dudley, « Programmés par Dieu ou libres de le servir ? » aux Editions Oasis (épuisé, mais j’ai encore quelques exemplaires). 
Vous pouvez écouter son message 
ici : https://www.youtube.com/watch?v=dh1GFyR72Ck   et https://www.youtube.com/watch?v=u-vKC6FwA7g