Que dit la Bible sur les 5 points « tulip » ?

Dans ce qui suit, nous essayerons autant que possible de faire table rase des idées préconçues, qu’elles soient calvinistes, arminiennes ou autres. Nous examinerons simplement l’enseignement de la Bible sur les cinq points qui, historiquement, ont défini ce débat.

Il ne sera pas possible de tout voir, et ce sera de la théologie systématique avec tous les risques que cela comporte. Évidemment, il s’agit de mon interprétation personnelle, et ce sera à chacun de l’évaluer par une étude méthodique de la Bible (théologie biblique).

L’homme pécheur peut-il accepter le salut ou non ?

On pourrait croire que la réponse ici est évidente : bien sûr que les pécheurs peuvent accepter le salut. La preuve, c’est que beaucoup l’ont fait. Mais la difficulté apparaît plus nettement quand on précise ainsi la question : l’homme pécheur peut-il accepter de lui-même le salut, sans que Dieu l’incite à le faire ?

Notons tout d’abord que tous les textes qui exhortent les pécheurs à choisir, à se repentir, à se convertir ou à se réconcilier avec Dieu semblent indiquer que l’homme pécheur peut effectivement accepter le salut.

Il est en effet évident que l’homme doit bien être capable de faire ce que Dieu l’encourage à faire. Quel sens y aurait-il à appeler les pécheurs à la repentance s’ils étaient incapables de le faire ?

Certains prétendent que ces textes pourraient avoir un autre sens. L’homme étant incapable en lui-même de se convertir, il serait possible que, pour des raisons qui nous dépassent, Dieu choisisse d’utiliser de telles exhortations sans qu’elles aient un quelconque effet réel. Néanmoins, une telle interprétation n’est pas celle qui découle naturellement de ces textes.

En même temps, il nous faut admettre que d’autres textes bibliques semblent bien aller dans le sens de l’incapacité naturelle des hommes de se tourner vers Dieu. Il ne s’agit pas simplement d’un ou deux textes non plus, mais d’un nombre suffisant pour qu’on ne puisse pas les écarter comme de simples textes problématiques qu’on pourrait – ou devrait – réinterpréter en fonction de la thèse opposée.

L’un des textes les plus explicites est celui de 1 Corinthiens 2.14 :
« Mais l’homme naturel ne reçoit pas les choses de l’Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c’est spirituellement qu’on en juge. »
Le problème, c’est que ce sont des hommes naturels qui doivent se convertir. Comment pourraient-ils le faire si, dans leur état de péché, ils ne peuvent que le rejeter ?

Ajoutons à cela un texte comme Romains 3.10-18, qui montre si clairement l’étendue du péché. Non seulement celui-ci touche tous les hommes, mais il affecte chacun profondément, il déforme chaque aspect de sa personne. L’homme naturel n’a pas la crainte de Dieu, il ne cherche pas Dieu, il ne veut pas agir en conformité à la loi de Dieu.

Jésus lui-même a dit :
« Nul ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire » (Jean 6.44).

Cela semble clair : même si le salut nous est proposé, en tant que pécheurs, aucun de nous n’aurait l’idée de l’accepter. Ce n’est qu’avec l’œuvre de Dieu qui nous attire vers lui que nous arrivons à le faire.

Nous trouvons le même sens en Philippiens 2.13 :
« Car c’est Dieu qui opère en vous le vouloir et le faire selon son dessein bienveillant. »
Notre bonne volonté à vouloir avancer vers Dieu et notre capacité à le faire viennent de Dieu et non de nous-mêmes. Notre nature pécheresse ne peut pas recevoir le message de Dieu, comme le texte de 1 Corinthiens 2.14, cité plus haut, nous l’a montré.

Pierre semble enseigner le même principe dans 2 Pierre 1.3 :
« Sa divine puissance nous a donné tout ce qui contribue à la vie et à la piété, en nous faisant connaître celui qui nous a appelés par sa propre gloire et par sa vertu. »
C’est la puissance de Dieu qui nous a fait découvrir la vie et la piété, c’est Dieu qui nous a fait connaître notre Sauveur.

On pourrait ajouter d’autres textes, mais ceux-ci suffisent déjà pour établir le principe : il y a effectivement un nombre non négligeable de passages bibliques qui semblent contredire le reste de l’enseignement de la Bible. Ils indiquent que l’homme pécheur n’est pas capable, en lui-même, d’accepter le salut. Sans l’œuvre de Dieu qui l’attire au salut, aucun pécheur n’aurait l’idée de dire « oui » à l’offre du salut.

Cela s’accorde très bien avec le principe qu’il n’y a aucun mérite humain dans le salut. Si l’homme pouvait accepter librement le salut, éventuellement avec l’encouragement de Dieu, il est incontestable que les rachetés seraient meilleurs que les perdus : ce serait ceux qui auraient donné une meilleure réponse à l’offre du salut, ceux qui étaient moins fermés à l’idée de revenir à Dieu et de le laisser régner dans leurs vies. Ils seraient donc moins pécheurs en quelque sorte – avant la conversion – et c’est l’un des facteurs qui auraient permis leur salut. Cela introduit forcément le mérite humain dans le salut.

Tous ces textes qui montrent que l’homme pécheur en lui-même ne peut pas accepter le salut disent bien que c’est Dieu qui produit en nous non seulement le salut, mais même la disposition à l’accepter. Ils écartent de ce fait tout mérite humain dans le salut, qui nous est accordé entièrement par grâce. Parallèlement, il y a les textes encore plus nombreux qui appellent l’homme pécheur à la repentance d’une manière ou d’une autre. Ces textes-là mettent bien en lumière l’amour de Dieu, qui de ce fait n’est nullement responsable de la perdition de qui que ce soit. Il n’est pas compromis avec le péché, même pas par le fait de le tolérer alors qu’il pourrait en délivrer les personnes concernées. Ces textes sont importants, car ils nous permettent de comprendre comment un si grand salut, mis en place par un Dieu d’amour, ne sauve pas tout le monde.

À priori, ces deux types de textes semblent être inconciliables. En effet, ils nous enseignent à la fois :

  • « Non, l’homme ne contribue en rien à son salut, c’est Dieu qui le sauve, et c’est même lui qui incite les élus à accepter le salut. »
  • « Si, l’homme contribue en quelque chose à son salut : l’acceptation de cette grâce. »

C’est celui des cinq points qui pousse le plus les gens vers la théologie calviniste (s’ils privilégient les textes qui montrent que le salut est entièrement l’œuvre de Dieu) ou vers la théologie arminienne (s’ils privilégient ceux qui indiquent que l’homme peut et doit choisir, en acceptant librement le salut).

Si une doctrine est juste, elle doit tenir compte de l’ensemble de la Bible et non uniquement d’une partie. Et les textes sont trop nombreux, des deux côtés, pour pouvoir appliquer le principe de réinterprétation d’un texte à la lumière de l’enseignement clair de tous les autres textes. Ici, il y en a suffisamment des deux côtés pour que, si on se permet de les lire autrement que dans leur sens normal, on puisse dire qu’il s’agit vraiment d’eiségèse – le fait de mettre dans un texte ce qu’on veut y trouver parce que le sens évident dérange.

La seule conclusion que je voie sur ce premier des cinq points que nous évaluons est de dire que les deux concepts sont vrais, même si ma logique humaine ne me permet pas de voir comment articuler la compatibilité entre les deux. Je suis donc tout à fait d’accord avec l’enseignement de la doctrine calviniste qui dit que l’homme est totalement corrompu par le péché, y compris dans sa volonté. Cela signifie que nous sommes incapables par nous-mêmes de changer d’idée et d’accepter de retourner à Dieu.
C’est Dieu seul qui nous attire à lui, ce qui fait que nous n’avons absolument aucun mérite dans le salut, même pas du fait d’avoir fait un meilleur choix que les perdus. En même temps, je suis tout à fait d’accord avec l’enseignement de la doctrine arminienne sur ce point : suite à l’œuvre de Dieu qui l’attire à lui, l’homme peut et doit accepter librement le salut, et il est pleinement responsable de son choix.

De ce fait, j’ai une position éclectique non seulement en ce qui concerne l’ensemble des cinq points, mais même en ce qui concerne ce seul point : à mon avis, les calvinistes ont raison et les arminiens ont raison aussi. Comme l’ensemble de la doctrine calviniste ou arminienne découle de la position qu’on accepte sur ce point, il n’est pas étonnant que j’arrive à un mélange éclectique sur le reste. Il me semble que c’est le sens qui découle de la Bible, si on tient compte de tous les textes qui ont trait à ce sujet.

Élection conditionnelle ou inconditionnelle

Le terme élection, nous l’avons déjà vu, veut dire choix dans le contexte biblique. La question est donc celle-ci : la Bible indique-t-elle que Dieu choisit de sauver certains en fonction d’un critère qu’il trouve réalisé chez eux ? Ou s’agit-il d’un choix souverain de Dieu, de sorte que l’homme ne puisse rien faire de lui-même qui pourrait influencer ce choix dans un sens ou dans l’autre ? Dans le premier cas, on parle d’élection conditionnelle ; dans le deuxième cas, il s’agit plutôt d’élection inconditionnelle.

Ici, la quasi-totalité des textes va dans un même sens : l’homme est accepté auprès de Dieu s’il s’approche de lui par la foi. Il y a un critère très précis en vue : la foi. L’élection serait donc conditionnelle.

Un des textes les plus pertinents à ce sujet se trouve dans Romains 9.30-32 :
« Que dirons-nous donc ? Les païens, qui ne recherchaient pas la justice, ont obtenu la justice – la justice qui vient de la foi – tandis qu’Israël, qui recherchait une loi qui donne la justice, n’est pas parvenu à cette loi. Pourquoi ? Parce qu’Israël l’a cherchée, non par la foi, mais comme provenant des œuvres. »
L’enjeu est clairement expliqué : comment se fait-il que les Juifs, dans l’ensemble, ne soient pas arrivés à la justice de Dieu, tandis que de si nombreux païens y sont parvenus ? La question « Pourquoi ? » au début du verset 32 appelle une explication à cette situation. Et l’explication est on ne peut plus univoque : parce qu’ils n’ont pas vu la nécessité de la foi. Il serait difficile de formuler plus explicitement la doctrine d’une élection conditionnelle.

Mais il n’y a pas que ce seul texte. Tous les textes qui parlent du salut par la foi plaident en faveur de l’élection conditionnelle.

Si la foi n’est pas un critère déterminant dans le salut, mais seulement le résultat du salut comme dit la doctrine calviniste, on ne peut plus parler de salut par la foi. Il faudrait plutôt parler de foi par le salut.

Sauf à faire de l’eiségèse, on ne trouvera quasiment aucun texte qui aille dans le sens inverse.
Les seuls textes qui semblent parler en faveur d’une élection inconditionnelle se trouvent, eux aussi, dans Romains chapitre 9. Le plus explicite se trouve dans les versets 11 à 13 :
« Car les enfants n’étaient pas encore nés et ils n’avaient fait ni bien ni mal, pourtant – afin que le dessein de Dieu demeure selon l’élection qui dépend non des œuvres, mais de celui qui appelle – il fut dit à Rébecca : L’aîné sera asservi au plus jeune ; selon qu’il est écrit : J’ai aimé Jacob et j’ai haï Ésaü. »

Il faut avouer que la lecture impartiale de ce texte semble plaider fortement en faveur d’une élection inconditionnelle : « les enfants n’étaient pas encore nés et ils n’avaient fait ni bien ni mal » et « l’élection … dépend non des œuvres, mais de celui qui appelle ». Le problème à utiliser ce texte pour défendre l’élection inconditionnelle dans le débat calviniste-arminien, c’est que le contexte ne concerne pas du tout le salut. Aucun texte ne nous dit que Jacob ait été sauvé et pas Ésaü. Au contraire, dans Genèse 33, quand Jacob retrouve Ésaü après vingt ans de séparation, Ésaü est un homme transformé tout autant que Jacob. Ésaü fait grâce, il pardonne, il ne cherche plus à se venger. Tout porte à croire que Dieu a œuvré dans sa vie tout autant que dans celle de Jacob, même si le texte ne nous montre pas comment Dieu l’a fait. Mais s’il est vrai que l’on connaît l’arbre à ses fruits, comme l’a dit Jésus, il est évident qu’Ésaü n’est plus le même « arbre ».

En fait, le contexte de l’argumentation dans cette partie de Romains 9 n’est pas le choix de Dieu en ce qui concerne le salut, mais celui de mettre en place son salut en se servant de la nation d’Israël. Et ce choix-là, effectivement, est inconditionnel. Beaucoup de textes dans la Bible nous montrent que si Dieu a fait son œuvre à travers Israël, ce n’est pas parce qu’Israël était meilleur qu’une autre nation.

Prétendre que le choix de Dieu dans le salut est inconditionnel, simplement parce que son choix d’utiliser la nation d’Israël l’est, n’est ni logique ni une herméneutique saine. Ce texte n’a donc rien à voir avec notre sujet ici. Il y a plus de détails sur le sens de Romains 9 dans l’annexe.

Une lecture impartiale des textes bibliques va donc nettement dans le sens arminien : l’élection pour le salut est conditionnée par la foi. Certes, on peut argumenter que c’est Dieu qui donne la foi, que l’homme ne la produit nullement par lui-même, mais cela nous renvoie simplement au point précédent. Il ne change en rien le fait que l’ensemble des textes bibliques plaide très fortement pour l’élection conditionnelle.

Christ est-il mort pour tous ?

Si Dieu ne veut pas sauver tout le monde, il est parfaitement raisonnable de dire que la mort de Christ ne concerne pas les non-élus, c’est-à-dire ceux qui ne vont pas accepter le salut. En revanche, si Dieu désire le salut de tous, il est tout aussi sensé de dire que Christ est mort pour tout le monde, même si on doit admettre que sa mort ne va pas sauver tout le monde (parce que tous ne vont pas accepter le salut). Il y a donc deux types de textes qui portent sur cette question : ceux qui parlent directement de la mort de Christ et ceux qui parlent du désir de Dieu en ce qui concerne les perdus.

Comme pour le point précédent, le sens qui ressort des textes n’est pas spécialement problématique, car pratiquement tous vont dans le même sens.

Commençons avec des versets qui décrivent la portée de la mort de Christ. Un des plus éclairants est 1 Jean 2.2 : « Il est lui-même victime expiatoire pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier. » Dans le contexte, il est incontestable que le nous que Jean utilise tout au long de ce passage fait référence à l’ensemble des croyants. De ce fait, la lecture la plus évidente de ce texte est la bonne :

Christ est mort, non seulement pour les péchés des croyants, mais pour ceux de tout le monde.

Certains disent que le nous dans ce verset veut dire :nous, les croyants juifs, et que le monde entier fait référence aux élus du monde entier, c’est-à-dire d’autres nations. Mais une telle lecture du mot nous n’aurait aucun sens dans le verset précédent ni dans le verset suivant. Quand Jean écrit nous dans ce contexte, il veut dire nous, les chrétiens. Prétendre autre chose est manifestement un cas d’eiségèse.

Ajoutons le célèbre texte de Jean 3.16, ainsi que le verset 17 :
« Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle. Dieu, en effet, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. »
Là encore, avec une idée préconçue, on pourrait lire ce verset différemment. Mais si on le lit avec un esprit réellement ouvert et prêt à accepter ce qu’il dit, le sens est bien clair : Christ est mort pour le monde entier.

2 Pierre 2.1 est un verset intéressant à ce sujet :
« Il y a eu de faux prophètes parmi le peuple ; de même il y a parmi vous de faux docteurs qui introduiront insidieusement des hérésies de perdition et qui, reniant le Maître qui les a rachetés, attireront sur eux une perdition soudaine. »

Sans conteste, il s’agit ici de gens qui ne font pas partie des élus, mais il est établi aussi que le prix qui sauve (c’est le sens de racheté) a été payé pour eux aussi. Ils ne sont pas sauvés pour autant, non parce que Christ ne serait pas mort pour eux, mais parce qu’ils préfèrent le péché. Cela apparaît très nettement dans la suite du chapitre (voir par exemple les versets 13 et 14).

On peut y ajouter Romains 5.18, un texte qui n’est pas sans poser des problèmes, mais qui semble bien porter sur cette question. Je cite ici la traduction de la Bible à la Colombe :
« Ainsi donc, comme par une seule faute la condamnation s’étend à tous les hommes, de même par un seul acte de justice, la justification qui donne la vie s’étend à tous les hommes. »

Le verbe s’étendre est ajouté deux fois au texte ici, car le texte original ne comporte pas un seul verbe dans tout le verset. Ce manque de verbes dans l’original oblige chacun à essayer de comprendre de quoi il s’agit.
Du coup, certains lisent ce verset dans un sens universaliste :
« De même que par un seul acte de péché tous les hommes ont été condamnés, de même par un seul acte de justice tous les hommes ont été justifiés. »
Mais c’est une interprétation libre, puisque le texte ne donne pas le verbe. Et l’ensemble de la théologie de Paul, même dans l’épître aux Romains, ne permet pas de lire l’universalisme dans ses idées. S’il croyait réellement que tout le monde était sauvé par la mort de Christ, qu’ils le veuillent ou pas, quel sens y aurait-il à ses propos au début du chapitre 9 ? La perdition des Juifs qui refusent le salut par la foi en Christ n’est pas spécialement grave si de toute façon ils vont tous être sauvés dans l’éternité.

La traduction de la Colombe semble donc correcte ici, avec le verbe s’étendre. De même que la condamnation est venue jusqu’à tout le monde, de même la justification est venue jusqu’à tout le monde. Non que tout le monde l’accepte, mais elle atteint tout le monde. Christ est venu frapper à la porte de tout le monde, en quelque sorte, pour leur dire : « Je t’ai acheté la justification. » Qu’ils l’acceptent ou pas, c’est fait.

Le verset suivant va dans ce sens, d’ailleurs, car dans ce verset 19 – qui comporte effectivement des verbes et qui parle sans conteste d’un résultat – Paul utilise un terme moins inclusif : beaucoup. De même qu’un grand nombre de personnes (en l’occurrence, tout le monde) sont devenues des pécheurs, de même un grand nombre de personnes (tous les rachetés) deviendront justes. Quand il parle d’un résultat précis et explicite, il ne dit plus tout le monde.

En tout cas, ce qui est incontestable dans ce verset 18, c’est que la mort de Christ a une portée qui concerne tout le monde. On peut se demander exactement quel est le résultat de cette portée, puisque les verbes manquent, mais les mots « tout le monde » ne manquent pas. Ils sont clairement là, dans le texte.

Il est vrai que Jésus dit dans Jean 10 qu’il donne sa vie pour ses brebis. (voir surtout les versets 11 et 15). Cela permettrait de plaider pour une portée plus limitée de la mort de Christ : elle serait uniquement pour ses brebis, c’est-à-dire pour les élus. Mais ce n’est pas un texte qui porte fortement dans ce sens, puisqu’il ne dit pas « Je donne ma vie uniquement pour mes brebis. »
Si je dis à ma femme que je l’aime, cela n’implique nullement que je n’aime pas aussi mes enfants. Le maximum qu’on puisse dire en ce qui concerne Jean 10, c’est qu’il pourrait facilement s’accorder aussi bien avec la notion calviniste qu’avec la notion arminienne, sans besoin de recourir à l’eiségèse.

La lecture impartiale (autant que possible) des textes sur la portée de la mort de Christ semble donc formellement aller dans le sens que Christ est mort pour tout le monde. Les textes sur le désir de Dieu en ce qui concerne le salut sont encore plus nombreux et encore plus explicites.

Déjà dans l’Ancien Testament, nous trouvons un des textes les plus distincts à ce sujet : « Dis-leur : Je suis vivant ! – oracle du Seigneur, l’Éternel –, ce que je désire, ce n’est pas que le méchant meure, c’est qu’il change de conduite et qu’il vive. Revenez, revenez de vos mauvaises voies. Pourquoi devriez-vous mourir, maison d’Israël ? » (Ézéchiel 33.11).

Le sens de ce texte est très explicite. Il l’est encore plus dans le contexte historique, parce qu’il s’adresse à une génération de Juifs qui (à quelques exceptions près) n’allait pas se repentir, qui n’allait pas revenir à Dieu.
Il ne s’agit pas des élus ici, mais de pécheurs condamnés qui allaient le rester jusqu’à la fin de leur vie. Et le désir de Dieu à leur sujet est on ne peut plus clair aussi : il ne veut pas leur perte, il veut qu’ils se repentent.

Dieu avait dit quelque chose de similaire, toujours par la plume du prophète Ézéchiel, un peu plus tôt :
« Est-ce que je désire avant tout la mort du méchant ? – oracle du Seigneur, l’Éternel. N’est-ce pas qu’il se détourne de sa voie et qu’il vive ? » (Ézéchiel 18.23).

Ces textes d’Ézéchiel, à eux seuls, sont nets et précis, sans la moindre ambiguïté. Même avec une tendance à pratiquer de l’eiségèse, il est difficile de leur faire dire autre chose que ce qu’ils semblent dire à première lecture. Mais ils sont loin d’être les seuls versets dans la Bible qui montrent que Dieu veut le salut de tous. Ajoutons quelques autres textes à la liste :

« Tournez-vous vers moi et soyez sauvés, vous, tous les confins de la terre ! Car je suis Dieu, et il n’y en a point d’autre » (Ésaïe 45.22).

« Dieu, sans tenir compte des temps d’ignorance, annonce maintenant à tous les hommes, en tous lieux, qu’ils aient à se repentir » (Actes 17.30)

« Cela est bon et agréable devant Dieu, notre Sauveur, qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Timothée 2.3-4).

« Nous travaillons et luttons, parce que nous avons mis notre espérance dans le Dieu vivant, qui est le Sauveur de tous les hommes, surtout des croyants » (1 Timothée 4.10).

« Le Seigneur ne retarde pas (l’accomplissement de) sa promesse, comme quelques-uns le pensent. Il use de patience envers vous, il ne veut pas qu’aucun ne périsse, mais (il veut) que tous arrivent à la repentance » (2 Pierre 3.9).

Les textes qui indiquent que Christ est mort pour tous (y compris pour les personnes qui ne seront finalement pas élues), plus les textes qui disent explicitement que Dieu veut le salut de tous, montrent qu’il ne s’agit pas ici d’une idée obscure qui découlerait seulement d’un verset ou deux.
De ce fait, on n’a pas le droit de réinterpréter tous ces versets. Le sens de l’expression tous les hommes n’est manifestement pas « des hommes de tous les peuples, et non uniquement des Juifs ». Comme nous l’avons vu, cette approche est justifiée uniquement quand un ou deux versets semblent contredire tout un ensemble d’autres versets. Elle n’est pas justifiée pour éliminer de multiples textes clairs, simplement parce qu’ils ne disent pas ce que nous voulons leur faire dire.

Cela est d’autant plus vrai qu’il n’y a aucun texte qui indique que Dieu ne voudrait pas sauver tout le monde. Pas un seul texte n’affirme que Christ ne serait pas mort pour tout le monde, ce qui n’aurait de sens que si Dieu ne voulait pas le salut de tous.

Parmi les textes souvent mis en avant dans ce sens, le seul qui semble a priori pertinent vient encore de Romains 9 : « L’aîné sera asservi au plus jeune ; selon qu’il est écrit : J’ai aimé Jacob et j’ai haï Ésaü » (Romains 9.13).

Si on ne tient nullement compte du contexte, on peut effectivement penser, en lisant ce verset isolé, qu’il montre que Dieu n’aime pas Ésaü, et donc qu’il ne veut pas le sauver. Mais comme nous l’avons déjà fait remarquer, le contexte de Romains 9 n’est pas le choix que Dieu a fait pour sauver des hommes, mais celui de se révéler au monde à travers Israël. Il est à noter d’ailleurs que « J’ai aimé Jacob et j’ai haï Ésaü » n’est pas une citation de la Genèse, où il est question de ces deux hommes, mais de Malachie.
Dans ce contexte, comme dans Romains 9, c’est un choix concernant une nation et non des personnes. (De nouveau, plus de détails à ce sujet sont donnés dans l’annexe.)

Certains veulent y ajouter les textes du livre de l’Exode qui disent que Dieu a endurci le cœur de Pharaon. Pour eux, ce serait une indication supplémentaire que Dieu ne veut pas le salut de tous. Mais, quand on examine le contexte, cela se heurte à deux problèmes majeurs.
D’abord, il n’est pas question du salut ici, mais de la décision de Dieu de laisser sortir d’Égypte les Israélites. Ensuite, et surtout, quand on regarde l’ensemble du récit, on constate que dans un premier temps, les textes disent que Pharaon a endurci son cœur ou simplement que son cœur était endurci. Ce n’est que plus tard, après que Pharaon ait confirmé son refus plusieurs fois par son propre choix, que Dieu a endurci son cœur. Même s’il s’agissait du salut, tout ce que Dieu a fait ici est de confirmer Pharaon dans la disposition qu’il avait lui-même choisie de manière répétée. Ce texte ne peut donc nullement servir d’argument à la thèse calviniste d’un choix souverain de Dieu qui ne voudrait pas le salut de tous. Au contraire, même si l’on appliquait (à tort) à la question du salut, il irait dans le sens arminien d’un Dieu qui accepte en fin de compte le choix de l’homme.

La Bible montre donc très clairement que Dieu veut le salut de tous. Dieu est amour, ce qui veut dire autre chose que Dieu aime. Dire que Dieu aime pourrait signifier qu’il aime dans certains cas, mais non dans d’autres. Mais dire qu’il est amour veut dire qu’il ne peut pas ne pas aimer. Dieu aime toutes ses créatures, ce qui veut dire dans le contexte biblique qu’il voudrait ce qui est le mieux pour chacun. De ce fait, il voudrait forcément leur salut. Comme nous l’avons déjà vu, Dieu nous dit dans sa Parole : « Si quelqu’un sait faire le bien et ne le fait pas, il commet un péché » (Jacques 4.17). Lui, Dieu, ne peut pas en faire autrement lui-même.

Nous pouvons dire en conclusion à cette section que ce troisième point du débat calviniste-arminien est vraisemblablement le plus indiscutable de tous : la Bible penche très, très fortement dans le sens arminien.

L’homme peut-il refuser le salut ?

À moins d’être universaliste, il faut avouer que l’homme peut refuser le salut. Mais la question ne concerne pas simplement le fait de le refuser ; il est surtout question de savoir si nous pouvons le refuser même si Dieu nous incite à l’accepter. Le calvinisme dit que la grâce de Dieu est irrésistible :
si Dieu appelle quelqu’un au salut, la personne se convertira forcément. L’arminianisme dit que l’homme peut refuser le salut, même si Dieu œuvre dans son cœur pour l’appeler à lui. Qu’en dit la Bible ?

Commençons avec la citation de Jésus dans Matthieu 22.14 : « Car il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. » Cela indique incontestablement que le nombre d’appelés est largement supérieur au nombre d’élus. L’homme peut donc refuser l’appel de Dieu, et beaucoup le font.

Mais il est au moins possible que ce texte ne soit pas aussi clair qu’il y paraît. Il se peut que Jésus utilise le terme appelés ici dans un sens autre que celui de Dieu qui agit dans un cœur en vue du salut. Citons donc quelques autres textes bibliques qui relèvent plus explicitement du sujet :

Toujours dans l’évangile de Matthieu, Jésus a dit :
« Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu ! » (Matthieu 23.37).

Dans ce que Jésus dit, la volonté divine est nettement exprimée : « j’ai voulu ». Mais cela n’a pas pu se faire, et de nouveau la raison en est exprimée de manière très explicite : « vous ne l’avez pas voulu ». Il semble incontestable dans ce texte que l’homme peut frustrer la volonté de Dieu en refusant l’appel de venir à lui.

            Un autre texte qui cite Jésus se trouve dans l’Apocalypse, dans la lettre à l’église de Thyatire :
« Mais ce que j’ai contre toi, c’est que tu laisses la femme Jézabel, qui se dit prophétesse, enseigner et séduire mes serviteurs, pour qu’ils se livrent à l’inconduite et qu’ils mangent des viandes sacrifiées aux idoles. Je lui ai donné du temps pour se repentir, mais elle ne veut pas se repentir de son inconduite. Voici que je la jette sur un lit, et ceux qui commettent adultère avec elle dans une grande tribulation, à moins qu’ils ne se repentent de ses œuvres. Je frapperai de mort ses enfants ; toutes les Églises connaîtront que moi, je suis celui qui sonde les reins et les cœurs, et je vous rendrai à chacun selon ses œuvres » (Apocalypse 2.20-23 ; la traduction du verset 22 est de moi, en suivant le texte grec plutôt que la Colombe que j’utilise habituellement).

Cet avertissement fait la différence entre la femme Jézabel, ses enfants, et ceux qui commettent adultère avec elle. Ce qui va arriver à chacun est différent : Jézabel (celle qui enseigne cette hérésie) est jetée sur un lit, ses enfants (vraisemblablement ceux qui sont réellement partisans de ses doctrines) seront frappés de mort et ceux qui commettent adultère avec elle (vraisemblablement ceux qui sont compromis avec ses doctrines, sans être pleinement adhérents eux-mêmes) sont mis « dans une grande tribulation, à moins qu’ils ne se repentent ». En constatant les degrés de châtiments selon les cas, la plupart des commentaires interprètent l’expression jetée sur un lit comme « jetée sur un lit de souffrance et de mort ».

En tout cas, ce qui est sûr, c’est que Jésus a donné du temps à « Jézabel » pour qu’elle se repente, mais elle ne voulait pas se repentir. Le sens le plus évident ici, la lecture naturelle sans idée préconçue, c’est que Jésus a voulu que « Jézabel » se repente, mais qu’elle ne l’a pas voulu. De nouveau, donc, nous avons un cas où le refus de la repentance a frustré le désir divin.

Nous pouvons ajouter à cela le texte de Romains 2.3-5 :
« Comptes-tu, toi qui juges ceux qui agissent ainsi et qui fais comme eux, que toi, tu échapperas au jugement de Dieu ? Ou méprises-tu les richesses de sa bonté, de son support et de sa patience, sans reconnaître que la bonté de Dieu te pousse à la repentance ? Mais, par ton endurcissement et par ton cœur impénitent, tu t’amasses un trésor de colère pour le jour de la colère et de la révélation du juste jugement de Dieu. »

Ceci est un texte plus général, dans le sens qu’il ne s’adresse pas à quelqu’un de précis, mais plutôt à tous les pécheurs, et notamment à ceux qui refusent de se repentir. Pourtant, Paul leur dit : « la bonté de Dieu te pousse à la repentance ». Il semble clair, dans la pensée de Paul, que si Dieu ne juge pas tout de suite le péché, c’est que dans sa bonté il est en train de donner aux pécheurs le temps de se repentir. Ici encore, la lecture la plus simple du texte indiquerait que Dieu veut que les pécheurs se repentent, mais que beaucoup refusent de le faire.

Il y en a qui opposent à de tels textes celui d’Hébreux 12.16-17, que certains traduisent : « Veillez à ce que personne ne soit débauché ni profanateur comme Ésaü, qui pour un seul plat vendit son droit d’aînesse. Vous savez que plus tard, quand il voulut hériter de la bénédiction, il fut rejeté, car il ne trouva pas place à la repentance, bien qu’il l’ait cherché avec larmes. »
Un tel texte est censé montrer que même si Dieu donne du temps pour se repentir, une personne qui n’est pas destinée au salut ne pourra pas le faire de toute façon, même si elle le veut.

Mais quand on replace ce texte dans son contexte historique, nous voyons que ce n’est pas du tout le sujet. Oui, on peut dire que le texte dit littéralement : « il ne trouva pas place à la repentance », mais sachant que repentance signifie un changement d’avis ou d’état d’esprit, qu’est-ce que le texte de Genèse nous montre au sujet de cette histoire ? Ce qu’Ésaü a cherché avec larmes, c’était d’inciter son père à changer d’avis. C’est pour cette raison que d’autres traduisent la phrase d’Hébreux 12.17 : « il ne trouva pas moyen d’amener son père à changer d’avis ». Il est vrai que le texte ne dit pas son père, mais le contexte nous montre bien que c’est de cela qu’il s’agit.

Et comme nous l’avons déjà vu, quand Ésaü a voulu changer d’état d’esprit lui-même, cela a été tout à fait possible. C’est pourquoi Jacob le trouve transformé à son retour. Il est devenu un homme qui pardonne, un homme qui fait grâce malgré le tort qui lui avait été fait. Dieu a manifestement travaillé dans la vie d’Ésaü, et il a manifestement accepté ce changement.

Est-ce que l’homme peut refuser l’œuvre de Dieu dans sa vie, quand Dieu l’incite à se repentir ? Le sens général des textes bibliques semble bien dire oui.

Peut-on perdre le salut ?

Voici le sujet le plus connu dans le débat. La plupart des gens qui ne sont pas spécialement initiés à la théologie ne connaissent que cette question. L’enjeu est très pratique et facile à comprendre, mais la réponse à la question ne l’est pas autant.

Le texte par excellence dans ce débat est celui d’Hébreux 6.4-6 :
« Quant à ceux qui ont été une fois éclairés, qui ont goûté le don céleste et sont devenus participants à l’Esprit Saint, qui ont goûté la bonne parole de Dieu et les puissances du siècle à venir, et qui sont tombés, il est impossible de les ramener à une nouvelle repentance. Car ils crucifient de nouveau, pour leur part, le Fils de Dieu et le déshonorent publiquement. »
Il est celui qui parle le plus clairement de la perte du salut.

Certains disent que ce texte ne parle pas de personnes qui étaient réellement sauvées, mais de ceux qui ont bien compris le message et l’ont refusé.
Mais c’est un cas assez flagrant d’eiségèse. On pourrait le maintenir si on n’avait que les mots ont été une fois éclairés, mais le reste décrit nettement ceux qui ont connu la régénération. Ils y ont goûté, ils sont devenus participants à l’Esprit Saint. Dire qu’ils ne sont pas nés de nouveau, c’est déformer le sens évident du texte.

D’autres disent qu’il s’agit de personnes qui sont effectivement nées de nouveau et qui tombent dans le péché, mais qui n’ont pas perdu leur salut pour autant. Ils seraient tombés, mais ils seraient toujours dans la main de Dieu. Mais ici aussi, il est difficile d’accorder cette interprétation avec le texte. La suite du passage dit : « il est impossible de les ramener à une nouvelle repentance » et « ils crucifient de nouveau… le Fils de Dieu ». Cela ne semble pas du tout correspondre à quelqu’un qui est toujours un enfant de Dieu.

Du coup, il est très difficile d’éviter la lecture naturelle qui découle du texte : une personne qui est réellement sauvée, et qui se détourne du salut, ne peut pas être sauvée de nouveau. (Et pourtant, comme dit en introduisant ce sujet, très peu de gens acceptent cette interprétation ; soit ils pensent que le passage ne parle pas de la perte du salut, soit ils croient qu’une personne qui perd son salut peut être sauvée de nouveau.)

D’autres passages aussi semblent aller dans le sens de la possibilité de perdre le salut :

« Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le sarment, et il sèche ; puis l’on ramasse les sarments, on les jette au feu et ils brûlent » (Jean 15.6).

« Au contraire, je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, de peur, après avoir prêché aux autres, d’être moi-même disqualifié » (1 Corinthiens 9.27).

« Vous êtes séparés de Christ, vous qui cherchez la justification dans la loi ; vous êtes déchus de la grâce » (Galates 5.4).

« Et vous, qui étiez autrefois étrangers et ennemis par vos pensées et par vos œuvres mauvaises, il vous a maintenant réconciliés par la mort dans le corps de sa chair, pour vous faire paraître devant lui saints, sans défaut et sans reproche ; si vraiment vous demeurez dans la foi, fondés et établis pour ne pas être emportés loin de l’espérance de l’Évangile que vous avez entendu, qui a été prêché à toute créature sous le ciel, et dont moi Paul je suis devenu le serviteur » (Colossiens 1.21-23).

« Si nous persévérons, nous régnerons aussi avec lui ; si nous le renions, lui aussi nous reniera » (2 Timothée 2.12).

« Prenez donc garde, frères, que personne parmi vous n’ait un cœur méchant et incrédule, au point de se détourner du Dieu vivant. Mais exhortez-vous chaque jour, aussi longtemps qu’on peut dire : Aujourd’hui ! afin qu’aucun de vous ne s’endurcisse par la séduction du péché » (Hébreux 3.12-13).

« Car si nous péchons volontairement après avoir reçu la connaissance de la vérité, il ne reste plus de sacrifice pour les péchés, mais une attente terrifiante du jugement et l’ardeur du feu prêt à dévorer les rebelles ! » (Hébreux 10.26-27).

« En effet, si après s’être retirés des souillures du monde par la connaissance du Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, ils s’y engagent de nouveau et sont vaincus par elles, leur dernière condition est pire que la première. Car mieux valait, pour eux, n’avoir pas connu la voie de la justice, que de l’avoir connue et de se détourner du saint commandement qui leur avait été donné » (2 Pierre 2.20-21).

« Vous donc, bien-aimés, qui êtes prévenus, soyez sur vos gardes, de peur qu’entraînés par l’égarement des impies, vous ne veniez à déchoir de votre fermeté » (2 Pierre 3.17).

Il est vrai que certains de ces passages peuvent se comprendre, éventuellement, dans un autre sens. Dans plusieurs textes, il n’est pas du tout évident qu’ils parlent de personnes qui étaient réellement sauvées ; peut-être suggèrent-ils que ces personnes n’étaient jamais réellement au Seigneur. Quoi qu’il en soit, vu le nombre d’occurrences de ces versets, on ne peut pas dire honnêtement que le thème de la perte du salut soit absent de la Bible.

Toutefois, d’autres textes semblent aller dans le sens opposé, notamment en montrant que notre salut est l’œuvre de Dieu et non la nôtre :

« Or, voici la volonté de celui qui m’a envoyé : que je ne perde rien de tout ce qu’il m’a donné, mais que je le ressuscite au dernier jour. Voici, en effet, la volonté de mon Père : que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle ; et je le ressusciterai au dernier jour » (Jean 6.39-40).

« Mes brebis entendent ma voix. Moi, je les connais, et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle ; elles ne périront jamais, et personne ne les arrachera de ma main. Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tous ; et personne ne peut les arracher de la main du Père » (Jean 10.27-29).

« Car je suis persuadé que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations, ni le présent, ni l’avenir, ni les puissances, ni les êtres d’en-haut, ni ceux d’en-bas, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu en Christ-Jésus notre Seigneur » (Romains 8.38-39).

« Il vous affermira aussi jusqu’à la fin, (pour que vous soyez) irréprochables au jour de notre Seigneur Jésus-Christ. Dieu est fidèle, lui qui vous a appelés à la communion de son Fils, Jésus-Christ notre Seigneur » (1 Corinthiens 1.8-9).

« Je suis persuadé que celui qui a commencé en vous une œuvre bonne, en poursuivra l’achèvement jusqu’au jour du Christ-Jésus » (Philippiens 1.6).

« Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ qui, selon sa grande miséricorde, nous a régénérés, par la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts, pour une espérance vivante, pour un héritage qui ne peut ni se corrompre, ni se souiller, ni se flétrir et qui vous est réservé dans les cieux, à vous qui êtes gardés en la puissance de Dieu, par la foi, pour le salut prêt à être révélé dans les derniers temps » (1 Pierre 1.3-5).

« Ils sont sortis de chez nous, mais ils n’étaient pas des nôtres ; car, s’ils avaient été des nôtres, ils seraient demeurés avec nous ; mais de la sorte, il est manifeste que tous ne sont pas des nôtres » (1 Jean 2.19).

« À celui qui peut vous préserver de toute chute et vous faire paraître devant sa gloire, irréprochables dans l’allégresse, à Dieu seul, notre Sauveur, par Jésus-Christ notre Seigneur, soient gloire, majesté, force et autorité dès avant tous les temps, maintenant et dans tous les siècles ! Amen ! » (Jude 1.24-25)

Ici encore, il serait possible de comprendre certains de ces textes dans un autre sens. Notamment, certains pourraient vouloir dire que personne d’autre ne peut nous enlever notre salut, mais que cela ne nous empêcherait pas nous-mêmes, éventuellement, de nous détourner de Dieu. Néanmoins, vu le nombre de versets qui vont dans ce sens, il est de nouveau évident qu’on ne peut pas se permettre de les réinterpréter tous, afin de leur faire rentrer dans notre système de pensée.

Répétons que nos doctrines doivent tenir compte de toute la Bible, et non uniquement d’une liste de textes qui vont nous donner raison. Comment donc concilier ces deux types de versets ? Les uns parlent de la perte du salut si les croyants ne restent pas dans la foi ; les autres indiquent que notre salut est l’œuvre de Dieu et que, de ce fait, nous pouvons être sûrs qu’il ira jusqu’au bout de ce qu’il est en train de faire en nous. Les deux types de réponses peuvent-ils être vrais en même temps ?

Il me semble que oui, même sans avoir à admettre une contradiction apparente, comme j’ai dû le faire avec le premier des cinq points. (L’homme pécheur, peut-il accepter librement le salut ?)

Tout d’abord, même si notre logique n’est pas suffisante pour résoudre tous les aspects difficiles de la théologie, il ne faut pas rejeter complètement la logique pour autant. Quand une position permet d’expliquer l’enseignement biblique de manière cohérente, elle est à préférer à une explication qui ne semble pas raisonnable. Nous n’écarterons d’office que ce qui est manifestement inacceptable, comme le fait que Dieu serait responsable du péché ou que le mérite humain jouerait un rôle dans le salut. Ici, dire que notre salut dépend de Dieu et que nous pouvons donc compter sur lui pour terminer ce qu’il a commencé est une pensée tout à fait raisonnable. Il n’y a pas de raison de la rejeter, de se dire : « Ce n’est sûrement pas ce que ces textes signifient. »

C’est d’autant plus le cas que la nouvelle naissance n’est pas simplement une décision humaine, même si celle-ci est nécessaire puisque chacun de nous doit se positionner en donnant à Dieu le contrôle de sa vie.
Mais la Bible nous montre que quand nous le faisons, Dieu ne reste pas simplement un spectateur à cette conversion. Il fait quelque chose en nous qui transforme notre nature. Dans Tite 3.5 Paul appelle cela la régénération et dans 2 Corinthiens 5.17 il l’appelle une nouvelle création. Ces termes semblent bien être équivalents à ce que Jésus appelle naître de nouveau.  (Jean 3.7).

La pensée, apparemment, c’est que Dieu ne viole pas la liberté que, dans sa souveraineté, il a lui-même choisi de nous accorder. Il ne nous obligera pas à nous tourner vers lui. Il est tout-puissant, mais même la puissance infinie ne lui donne pas le droit de nous transformer contre notre volonté, car cela le mettrait en contradiction avec lui-même (puisque c’est lui qui nous a donné cette liberté). Comme le dit Paul dans 2 Timothée 2.13 : « il ne peut se renier lui-même » Mais comme il sait que nous sommes incapables de nous rendre purs et saints par nous-mêmes, afin de vivre en communion avec lui, il utilise sa puissance pour nous transformer. Il attend simplement que nous soyons d’accord pour qu’il le fasse.

De ce fait, si nous nous donnons à lui, il commence en nous cette transformation qui nous mènera jusqu’à la sainteté parfaite, dans sa présence, pour l’éternité. Le salut est cette œuvre transformatrice qui est accomplie entièrement par Dieu. La conversion est un choix humain mais la nouvelle naissance est une œuvre divine.

Mais si notre salut ne peut pas se perdre, parce qu’il est l’œuvre de Dieu et non la nôtre, que dire de tous ces versets qui mettent en garde contre le fait de se détourner de Dieu, qui montrent que seuls ceux qui vont jusqu’au bout sont sauvés ? En fait, c’est ce même principe (Dieu ne fera pas son œuvre transformatrice en nous sans notre accord) qui nous montre comment les comprendre.

Si l’homme change d’avis, s’il ne veut plus aller de l’avant avec Dieu, Dieu ne va pas l’obliger à le faire. Cela s’accorde non seulement avec la liberté qu’il nous a donnée, mais avec tous les textes qui parlent de se détourner de lui. La question se pose seulement : comment une personne régénérée par la puissance de Dieu, donc une nouvelle création, peut-elle changer d’avis ? Cette personne n’a-t-elle pas vécu un changement profond dans ce qu’elle est et non uniquement dans ses conceptions ?

Il me semble qu’une telle personne ne le ferait jamais. C’est pour cette raison que Dieu nous dit qu’il peut nous préserver de toute chute (Jude 1.24).

La transformation de régénération qu’il a opérée en nous, ainsi que l’œuvre qu’il est en train de faire en nous, font que nous n’allons pas changer d’avis. Néanmoins – et ceci est très important – personne n’arrive jamais au point où il peut se permettre de se relâcher sur le plan spirituel, sous prétexte qu’il ne peut pas perdre son salut. S’il le fait, il n’est pas sauvé, un point, c’est tout.

Non parce qu’il l’était et ne l’est plus, mais parce que, par le fait même de se détourner de la vérité, il montre qu’il ne l’était jamais. C’est ce que l’apôtre Jean a écrit dans 1 Jean 2.19, cité plus haut : « Ils sont sortis de chez nous, mais ils n’étaient pas des nôtres ; car, s’ils avaient été des nôtres, ils seraient demeurés avec nous ; mais de la sorte, il est manifeste que tous ne sont pas des nôtres ».

C’est pour cette raison que tant de passages mettent les croyants en garde contre le fait de se détourner de Dieu. Un tel avertissement est toujours approprié. Ceux qui sont réellement au Seigneur ne se sentiront pas concernés, parce qu’il ne leur viendrait pas à l’esprit de le faire. Mais ceux qui sont concernés par un tel avertissement sont ceux qui ont besoin, justement, de réaffirmer leur engagement à marcher avec Dieu.

Il est vrai que le texte d’Hébreux 6.4-6 semble aller bien plus loin qu’une simple mise en garde. Dans ce texte, nous avons l’impression que l’auteur parle réellement de ceux qui le font. C’est le seul texte qui le fasse d’une manière aussi claire. Et il faut admettre que le contexte de l’ensemble de l’épître est effectivement un avertissement à ceux qui seraient tentés de se détourner de la foi chrétienne pour retourner à une doctrine de salut par les œuvres de la loi juive, mais il demande une explication tout de même. Une proposition d’explication de ce texte se trouve dans l’annexe.

Quoiqu’il en soit, l’ensemble des Écritures semble donc donner raison aux calvinistes sur ce cinquième point, au moins en ce qui concerne le principe : un vrai croyant ne perdra jamais son salut. Mais dans la pratique, même si quelqu’un qui est réellement au Seigneur ne va pas s’en détourner, les arminiens ont raison d’insister sur l’éventualité que même une personne qui pense réellement appartenir au Seigneur peut finir par s’en détourner et, si elle le fait, elle n’est pas sauvée.

Résumé des cinq points

L’homme pécheur peut-il accepter le salut ou non ?

Ici, il y a suffisamment de textes bibliques pour donner raison à la fois aux calvinistes et aux arminiens. On peut défendre l’une ou l’autre position, d’une manière parfaitement raisonnable, en choisissant les textes qu’on veut pour appuyer sa position. Mais comme la vérité biblique doit tenir compte de l’ensemble des textes, et comme il y en a de trop pour justifier une réinterprétation des uns ou des autres, il semble que la Bible soutienne les deux vérités, sans que notre logique humaine suffise pour nous aider à les concilier : l’homme pécheur doit choisir consciemment et explicitement de marcher avec Dieu et il est pleinement responsable de ce choix, et en même temps personne ne peut le faire sans que Dieu agisse en lui pour l’inciter à le faire, ce qui fait que ceux qui sont sauvés ne sont nullement supérieurs aux perdus, même pas par le fait d’avoir fait un meilleur choix.

Élection conditionnelle ou inconditionnelle :

Si on tient compte simplement des textes bibliques, en les gardant bien dans leurs contextes, et sans les réinterpréter en fonction d’idées préconçues, l’enseignement biblique penche très nettement en faveur de l’élection conditionnelle. Dieu choisit d’accepter pour le salut tous ceux qui viennent à lui par la foi, car il ne veut la perte d’aucun pécheur. Sur ce point, c’est la position arminienne qui semble être juste.

Christ est-il mort pour tous ?

Ici encore, si on accepte les textes bibliques comme ils sont, la Bible semble très claire sur ce point. Christ est mort pour tous, parce que Dieu veut le salut de tous. Cela ne veut pas dire que tous seront sauvés, malheureusement, parce que certains refusent ce salut. Mais leur perdition n’est nullement imputable à Dieu. Ce n’est pas qu’il aurait pu les sauver malgré eux, et qu’il ne l’aurait pas voulu. Il a tout prévu pour leur salut, tout en respectant la liberté qu’il a lui-même donnée à l’homme. Ceux qui ne seront pas sauvés ne le seront pas par suite de leur propre refus. Ici aussi, c’est la position arminienne qui ressort le plus clairement des textes.

L’homme peut-il refuser le salut ?

Sur ce point aussi, les textes bibliques semblent très clairs, si on évite de les réinterpréter. Il y a plusieurs cas précis dans la Bible qui montrent que l’homme peut refuser le salut, même si Dieu agit explicitement pour l’attirer à lui. C’est la démonstration la plus claire que l’homme a réellement la liberté de se soumettre à Dieu ou non, et qu’il est responsable de son choix dans ce domaine. Une fois de plus, donc, c’est la position arminienne qui semble juste.

Peut-on perdre le salut ?

Il y a des textes qui semblent argumenter assez fortement dans les deux sens, mais il y a moyen de les concilier. Une personne qui est réellement au Seigneur ne perdra pas son salut, effectivement. Mais cela ne signifie pas qu’un croyant puisse vivre dans le péché parce que son salut est garanti par Dieu. S’il se détourne de ce qui semblait être une vie de foi, pour vivre dans le péché, cela montre qu’il n’était pas réellement au Seigneur. C’est donc la position calviniste qui est juste sur ce point, mais la mise en garde des arminiens disant qu’il faut persévérer jusqu’à la fin pour être sauvé est néanmoins appropriée. Si les calvinistes ont raison en ce qui concerne le principe théologique, la position arminienne n’est pas entièrement fausse, dans la pratique, bien que ce ne soit pas pour les bonnes raisons.

Conclusion : plaidoirie pour la Bible plutôt que la logique humaine

Comme je l’ai dit en introduction, à différents moments de ma vie, j’ai cru – et défendu – l’une puis l’autre de ces deux optiques. Élevé dans l’arminianisme pur, je suis devenu calviniste quand j’ai constaté les insuffisances de l’arminianisme. C’était par défaut : comme je ne connaissais que ces deux positions, si l’une était fausse, l’autre devait être vraie. Mais quelque temps plus tard, j’ai constaté aussi les insuffisances du calvinisme. Je ne l’ai jamais totalement rejeté, mais je ne pouvais plus l’accepter sans réserve non plus.

Cela me posait sérieusement un problème, car je ne voyais pas de solution logique à la question du salut. Avec ma formation en mathématiques, je me suis donc appliqué pendant des décennies à essayer de comprendre ce que la Bible dit réellement à ce sujet, en vue d’éliminer les difficultés logiques que je constatais. Ce document représente l’état de mes réflexions à ce jour. Je retiens surtout les trois grands principes suivants de tout ce que nous avons vu jusqu’ici :

  • Historiquement, le calvinisme a été formulé afin de remettre la grâce de Dieu à sa juste place dans la théologie chrétienne. Alors que la doctrine catholique de l’époque prônait les œuvres humaines et la valeur des rites administrées par l’Église pour sauver l’être humain, le calvinisme nous rappelle à juste titre que le salut est entièrement l’œuvre de Dieu et non la nôtre. Le salut nous est accordé par sa grâce, sans que nos actes, rites, paroles ou même dispositions d’esprit nous donne le moindre mérite. Tout est de lui, par lui et pour lui, comme dit la Bible (Romains 11.36). Seulement, tout en défendant si bien la grâce de Dieu, le calvinisme diminue sérieusement la force de l’amour de Dieu. Dieu n’est plus le Père aimant qui est prêt à tout pour le bien-être de toutes ses créatures, mais un souverain qui pourrait sauver tous les perdus, s’il le voulait, et qui choisit pour ses raisons à lui de ne plus le faire.
  • L’arminianisme a été formulé, historiquement, en réaction contre le calvinisme, en vue de remettre l’amour de Dieu à sa juste place dans la théologie protestante. Alors que le calvinisme enseignait que Dieu ne veut pas le salut de tous mais uniquement celui des élus – une classe dont on ne peut rien faire pour en faire partie – l’arminianisme nous rappelle que Dieu veut le salut de tous. Si certains ne sont pas sauvés, c’est parce qu’ils ne le veulent pas et non parce que Dieu ne le voudrait pas. Mais en mettant l’accent sur l’amour de Dieu et par conséquent sur la pleine responsabilité humaine dans la perdition, l’arminianisme diminue forcément le rôle de la grâce dans le salut. Les rachetés sont meilleurs que les perdus, au moins par leur meilleure réponse à l’offre du salut (et parfois sur d’autres points aussi, selon les formulations).
  • La logique humaine a ses limites. Si nous l’appliquons jusqu’au bout dans l’optique calviniste, Dieu devient responsable de la perdition car il pourrait sauver et ne le fait pas. Nous pouvons même dire qu’il devient responsable de l’état de péché – ou du moins dans le maintien de celui-ci – de ceux qu’il choisit de ne pas sauver. Pourtant, ce n’est pas du tout ce que les calvinistes veulent dire, ni ce qu’ils croient. De même, la logique humaine dans l’optique arminienne implique que certains êtres humains sont moins affectés par le péché que d’autres, puisqu’ils arrivent à accepter librement le salut quand Dieu agit dans leurs vies pour les appeler à lui. Du coup, il y a une part de mérite humain dans le salut. Mais ici aussi, ce n’est pas ce que les arminiens veulent dire, ni ce qu’ils croient. C’est la logique humaine, qui n’est pas capable de comprendre comment articuler l’amour infini et inconditionnel de Dieu pour toutes ses créatures avec la grâce de Dieu qui seule nous conduit au salut.

La conclusion que j’en ai tirée, et qui a déjà été développée longuement dans ce qui précède, est que nous n’avons pas besoin de tout comprendre et que nous ne pouvons pas tout comprendre. Nous devons accepter, dans certains cas, des conclusions qui nous semblent contradictoires. Les calvinistes le font (Dieu ne sauve pas tout le monde parce qu’il choisit de ne pas le faire et non parce qu’il n’est pas capable de le faire, mais il n’est nullement responsable du péché), les arminiens le font (l’homme contribue quelque chose à son salut, si ce n’est que par le fait de l’accepter, mais il n’y a aucun mérite humain dans le salut), et toute position éclectique le fait aussi.

La logique humaine a une grande utilité, mais force est de constater qu’elle n’est pas la réponse à tout non plus. Où donc doit-on situer sa limite ? C’est-à-dire, si nous sommes obligés d’accepter une contradiction logique apparente quelque part dans notre théologie en ce qui concerne le salut, quelle règle va nous guider pour savoir ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas ?

La réponse me semble évidente, et je suis persuadé qu’elle conviendrait à tout le monde dans ce débat : c’est la Parole de Dieu qui est notre seul guide infaillible. Quand je dis la Parole de Dieu, je n’entends pas une liste d’extraits, de passages qui semblent soutenir telle ou telle optique. La vérité doit tenir compte de toute la Bible – aussi bien des textes qui semblent donner raison à la thèse calviniste que ceux qui vont plutôt dans le sens de la thèse arminien.

Bien des années se sont écoulées, alors que j’essayais encore de trouver un système qui ne semblait pas comporter de contradictions logiques internes. Je n’y suis jamais parvenu. Au fond, ce dont j’avais besoin était une bonne dose d’humilité : le fait d’accepter que Dieu n’ait pas besoin de tout expliquer pour avoir raison, et que je n’avais pas besoin de tout comprendre pour accepter sa Parole. Aujourd’hui, je me tiens au principe annoncé précédemment : je refuse de m’appuyer sur ma logique humaine, que je sais faillible, pour invalider l’enseignement clair de la Parole de Dieu, que je sais infaillible.

Je ne dis pas que tout le monde doive partager exactement les mêmes conclusions que moi. Ce serait même étonnant si cela se faisait, dans un débat aussi compliqué que celui que nous examinons ici. Mais j’encourage tout le monde à utiliser le même principe de base : donner raison à la Bible, au moins dans les principes qu’elle enseigne clairement de manière répétée. Laissons la Bible nous parler, sans rejeter de multiples textes parce que nous ne voyons pas comment réconcilier leur enseignement avec d’autres passages, tout aussi clairs.

La tension de base dans tout ce débat se situe entre l’amour de Dieu et la grâce de Dieu. La doctrine que le calvinisme met en avant défend très bien la notion biblique du salut qui vient de la grâce seule. L’arminianisme défend très bien la notion – tout aussi biblique – de l’amour illimité de Dieu qui veut le salut de tous. Or, si nous comprenons cela, nous devons pouvoir constater directement qu’il y a un problème dans notre logique, car la Bible ne nous permet nullement d’opposer la grâce de Dieu et l’amour de Dieu. Les deux sont manifestement vrais et sont mis en avant de manière répétée dans la Bible. Et cela me convient très bien. Il n’y a rien de plus beau dans l’univers que l’amour parfait de Dieu manifesté dans la grâce parfaite de Dieu.

David SHUTES est pasteur, conférencier et enseignant biblique. Il est professeur à l’Institut Biblique de Genève (IBG), et dans différents instituts africains. Il est l’auteur de plusieurs livres. Vous retrouverez cet article sur son site: http://www.davidshutes.fr . C’est le 2e extrait de son livre : Calviniste, arminien, intermédiaire ou éclectique ?