par David SHUTES
Il y a, en gros, quatre positions théologiques en ce qui concerne l’ensemble de ces points, celles qui correspondent au titre de ce document. Chacune d’elles a des variantes, bien sûr, chacune a aussi ses avantages et ses difficultés, même parfois majeures. Voici l’approche générale de chacune :
- La position calviniste : cette approche analyse tout le domaine de la conversion du point de vue de l’œuvre de Dieu. Elle dit que l’homme ne peut pas se convertir sans l’intervention de Dieu. Dieu agit en l’homme sans la moindre attente d’une réponse favorable quelconque de sa part. Comme Dieu peut produire la repentance et donner le salut à quiconque, mais que tous ne sont pas sauvés, cela montre selon cette thèse que Dieu ne désire pas le salut de tous, et donc que Christ n’est pas mort pour tous. Comme le salut est entièrement l’œuvre de Dieu, l’homme ne peut ni le choisir ni le refuser. Il s’ensuit que le salut ne se perd pas si la personne fait réellement partie des élus de Dieu, parce que Dieu ne va pas changer d’avis et la personne en question ne le peut pas.
- La position arminienne : cette approche analyse tout le domaine de la conversion du point de vue de la réponse humaine. Elle dit que l’homme peut accepter ou refuser le salut, qui est offert à tous en Christ, quelle que soit l’œuvre de Dieu pour l’appeler à lui. Dieu, de son côté, accepte tous ceux qui viennent à lui par la foi en Christ. L’homme est donc entièrement responsable de son choix. Comme la conversion est une œuvre humaine selon cette thèse, si l’homme change d’avis et se détourne de Dieu, il perd son salut, même s’il était réellement au Seigneur pendant un temps.
- La position intermédiaire : comme son nom indique, cette approche tente de trouver une position entre le calvinisme et l’arminianisme qui sont considérés tous deux comme extrémistes. Sur la plupart – voire la totalité – des cinq points du débat, la position intermédiaire donne une réponse moins tranchée que les deux conceptions traditionnelles. Elle dit par conséquent que les calvinistes et les arminiens ont tous tort.
- La position éclectique : le terme éclectique veut dire « acceptant des positions diverses ». Dans ce débat, la position éclectique donne raison aux calvinistes et aux arminiens, mais non sur les mêmes points. Elle se distingue de la position intermédiaire par le fait que sa réponse sur chaque point n’est pas entre le calvinisme et l’arminianisme, mais bien en accord avec l’un ou l’autre. Seulement, elle va donner raison aux calvinistes sur certains points (au moins un, sinon il ne s’agit pas d’une position éclectique) et aux arminiens sur d’autres (de nouveau, au moins un point).
La position calviniste
Historiquement, le calvinisme a été élaboré en réponse à la théologie catholique, où le salut est basé sur les œuvres humaines et les sacrements de l’église (effectués, eux aussi, par des hommes). Calvin a compris – correctement – que le salut nous est donné par Dieu, par grâce, en fonction de l’œuvre de Christ et non par les nôtres. Son enseignement luttait contre cette doctrine catholique et, de ce fait, quand certains ont formulé « les cinq points du calvinisme », une cinquantaine d’années après sa mort, c’est ce qui ressort entièrement.
Sur les cinq points énumérés dans les enjeux, le calvinisme répond systématiquement d’une manière qui élimine toute participation de l’être humain dans la conversion :
- Est-ce que l’homme pécheur peut accepter le salut ? Non, un point, c’est tout. Dieu fait une œuvre transformatrice chez l’homme (la régénération, c’est-à-dire la nouvelle naissance) avant que l’homme se repente ou manifeste la foi. La foi ne fait pas partie du moyen du salut ; elle en est un des résultats.
- Le choix de Dieu pour sauver certaines personnes est basé entièrement sur sa souveraineté et non sur un critère quelconque chez les personnes qui sont sauvées. Dieu aurait pu tout aussi bien ne sauver aucune des personnes qui ont été élues au salut, et en sauver d’autres à leur place, si tel avait été son désir.
- Christ n’est pas mort pour tous, mais uniquement pour les élus, puisque Dieu n’avait jamais ni l’intention ni le désir de sauver les non-élus. Si Christ était mort pour les non-élus, sa mort aurait été en vain, en ce qui les concerne.
- L’homme ne peut pas plus résister à la grâce salvatrice qu’accepter de son propre chef le salut. C’est Dieu qui décide tout dans la matière ; l’homme n’est pour rien dans ce choix, ni dans un sens ni dans l’autre.
- Le salut étant une œuvre divine et non humaine, rien de ce que l’homme fait ne peut l’influencer et, de ce fait, il ne se perd pas.
La force de cette position est qu’elle est très logique, construite entièrement sur les implications de l’enseignement biblique (et raisonnable) qui stipule que le salut nous est donné par grâce seule, sans qu’il y ait le moindre mérite humain dans cela. On peut démontrer par A plus B que toutes les réponses du calvinisme découlent inéluctablement de cela, que toute autre position implique quelque part un mérite humain, une œuvre humaine qui contribuerait au salut.
Seulement, on doit toujours se méfier de la logique humaine. La logique raisonne en fonction des informations disponibles. De ce fait, il y a deux erreurs possibles en elle. D’une part, si le raisonnement est faux, le résultat n’est pas fiable. D’autre part, si les informations sont incomplètes ou erronées, le résultat n’est pas fiable non plus. En tant qu’êtres limités, nous ne pouvons pas être sûrs que nos raisonnements soient justes. Et nous pouvons être sûrs que nos informations sont sérieusement incomplètes, voire erronées à cause d’interprétations fausses de notre part, même si nous croyons qu’elles viennent de la Bible. Du coup, ce n’est pas parce qu’une position se base sur ce qui semble être un raisonnement incontournable qu’elle est forcément vraie.
Le calvinisme est très logique, mais il implique un certain nombre de choses concernant la personne de Dieu qui devraient au moins nous poser des questions sérieuses :
- Le salut, selon la Bible, consiste non seulement à pardonner au pécheur, mais aussi – et surtout – à le transformer de manière qu’il ne soit plus pécheur : l’aboutissement ultime du salut délivre réellement une personne du péché. Bien sûr, cela ne se fait pas au moment de la nouvelle naissance, mais maints passages bibliques montrent que c’est le résultat final de l’œuvre de Christ en nous. De ce fait, dire que Dieu ne désire pas le salut de certains, c’est dire qu’il veut que certains restent dans le péché, alors qu’il aurait la possibilité de les en délivrer. Cela rend Dieu responsable, non de leur péché, mais du fait qu’ils continuent dans le péché, alors qu’il pourrait faire autrement.
- Jacques 4.17 dit que celui qui sait faire le bien et ne le fait pas est un pécheur. Dieu pourrait délivrer les perdus de leur perdition, selon la position calviniste, mais ne veut pas le faire. Le principe de Jacques 4.17 s’appliquerait donc clairement dans ce cas, et Dieu serait pécheur.
- Il est difficile de voir dans quel sens on pourrait dire que Dieu est amour s’il y a des milliards de pécheurs qui vont souffrir la perdition éternelle alors qu’il pourrait leur épargner cette souffrance. La notion que Dieu ne veut pas le salut des perdus est incompatible avec l’amour de Dieu.
On peut dire en conclusion que le calvinisme présente un système cohérent et logique par rapport aux enjeux de la conversion, mais non un système sans problème. Au contraire, cette position implique des difficultés énormes en ce qui concerne le caractère de Dieu. L’implication logique du calvinisme est que Dieu n’est pas amour, et qu’il est sérieusement compromis avec le péché, voire qu’il est lui-même pécheur. Notons bien que le calvinisme peut difficilement ne pas tenir compte des implications logiques de ses positions, puisque c’est la logique qui dicte une bonne partie de ce système de pensée.
La position arminienne
De la même manière que le calvinisme a été élaboré en réponse au catholicisme, l’arminianisme a été élaboré en réponse au calvinisme. L’arminianisme aussi est un système très logique, mais il commence avec d’autres données que le calvinisme. Là où le calvinisme débute avec la constatation biblique que le salut est l’œuvre de la grâce imméritée de Dieu et non une œuvre humaine, l’arminianisme commence avec la constatation – également biblique – que Dieu nous appelle à choisir et nous tient responsables de notre choix. À partir de là, les réponses aux cinq points des enjeux de la conversion découlent de la pleine liberté de l’homme dans ce domaine :
- D’abord, l’homme est forcément capable de choisir le salut, car il ne pourrait pas y avoir responsabilité s’il n’y avait pas cette possibilité. Il s’ensuit que l’homme est corrompu par le péché dans son comportement, mais non entièrement dans sa volonté, puisqu’il est capable, dans certains cas au moins, de choisir ce qui est bien.
- L’élection, le choix de Dieu dans le salut, est basée sur une condition que l’homme est libre de remplir ou non : c’est l’acceptation du salut en Christ, par la foi. Dieu choisit d’accepter tous ceux qui viennent à lui par la foi, mais ce n’est pas Dieu qui choisit qui aura la foi et qui ne l’aura pas.
La foi n’est pas le produit d’une œuvre divine, mais la réponse humaine à l’œuvre divine.
- Puisque Dieu veut le salut de tous et que le salut est offert à tous, Christ est forcément mort pour tous. La mort de Christ qui paye le prix du péché n’aura pas comme résultat le salut de tous, puisque tous ne vont pas accepter ce salut, mais potentiellement cela pourrait être le cas.
- Même quand Dieu intervient pour attirer une personne à lui, il ne le fait pas au point de violer la volonté de la personne. La personne a encore la possibilité de refuser le salut et cela, jusqu’au bout.
- Le salut étant le résultat d’un choix humain et l’être humain étant entièrement libre, si l’homme change d’avis ensuite il ne sera plus sauvé, alors qu’il l’a été réellement. La conversion, même quand elle est réelle, n’est pas forcément définitive.
La force de l’arminianisme est donc que ce système de pensée est tout aussi logique que le calvinisme, à condition de commencer avec d’autres données. Plutôt que de commencer avec le fait que le salut est entièrement l’œuvre de la grâce de Dieu, il suffit de commencer avec la liberté et la responsabilité de l’homme et tout le reste en découle. Toutefois, l’arminianisme souffre du même problème que le calvinisme : la logique humaine n’est pas toujours un guide fiable de ce qui est vrai. L’homme peut ignorer certains aspects importants de la réalité, ou mal interpréter ce qu’il voit. De ce fait, l’arminianisme présente des problèmes tout autant que le calvinisme, quoique non dans les mêmes domaines.
Là où le calvinisme, basant tout son raisonnement sur l’œuvre de Dieu, finit par impliquer des notions gravement fausses en ce qui concerne Dieu, l’arminianisme, basant son raisonnement sur la réponse humaine à l’offre de salut, implique des choses tout aussi fausses en ce qui concerne la nature humaine.
- D’une part, l’arminianisme diminue forcément la gravité du péché. Selon ce système de pensée, l’homme est pécheur, certes, mais il peut néanmoins choisir librement de s’en détourner. Le péché est un problème, mais non un problème absolument inextricable. L’homme peut choisir de changer de route. Or, tout cela est contraire non seulement à l’enseignement biblique, mais aussi à ce que nous constatons dans nos propres natures et dans le monde autour de nous.
- D’autre part, et encore plus grave, l’arminianisme introduit forcément le mérite humain dans le salut. Tout en reconnaissant qu’aucun de nous ne mérite ce cadeau immense de Dieu qu’est le salut, l’arminianisme implique clairement que les rachetés sont tout de même mieux en leur propre personne que les perdus. Non que leurs œuvres soient bonnes et suffisantes en soi, mais ils ont au moins eu une meilleure réponse à l’offre de salut que ceux qui le refusent. Ce n’est certes pas suffisant pour dire qu’ils méritent d’être sauvés. Cette qualité humaine (la bonne disposition à accepter le salut) est forcément un élément qui contribue au salut, cela introduit clairement une part de mérite humain dans le salut.
- On peut noter en passant que l’arminianisme implique que Dieu est plus ou moins impuissant face au péché. Dans la pensée arminienne pure, le rôle de Dieu dans le salut est limité presque entièrement au fait d’avoir mis en place la possibilité de rédemption, par l’œuvre de Christ. Dans la conversion de l’homme, Dieu ne fait pas grand-chose, parce qu’il ne le peut pas – il doit respecter la liberté humaine. Il peut appeler les perdus à se tourner vers lui, mais il ne peut rien faire pour qu’ils le fassent. La nouvelle naissance est un changement d’idée chez l’homme et rien de plus ; elle ne représente pas une œuvre divine.
L’arminianisme est donc également un système cohérent et logique, qui permet d’expliquer certains aspects de l’enseignement biblique nettement mieux que le calvinisme, qui, lui, est plus fort sur d’autres points. Aucun des deux systèmes n’est sans mérite, mais aucun des deux ne permet de résoudre tous les problèmes. Si on pousse les implications logiques jusqu’au bout, les deux systèmes impliquent carrément des hérésies : le calvinisme implique que Dieu est compromis avec le péché et l’arminianisme implique que le mérite humain contribue à son salut.
La position intermédiaire
La position intermédiaire résulte tout simplement de la constatation des limites des systèmes de pensée calviniste et arminien. Voulant éviter les implications inacceptables des deux positions classiques, beaucoup tentent de se positionner comme calvinistes modérés ou arminiens modérés, en prenant des positions moins tranchées. De ce fait, les positions intermédiaires variées prennent toutes une forme de « oui, mais… ». Il s’agit de se positionner par rapport au calvinisme ou l’arminianisme, en y mettant des nuances. Ainsi, en ce qui concerne les cinq grands enjeux du débat, les réponses intermédiaires peuvent être celles-ci :
- L’homme peut accepter le salut offert par Dieu, mais uniquement avec l’aide de Dieu. Sans cette aide, l’homme naturel n’aurait jamais le désir de revenir à Dieu.
- L’élection n’est pas inconditionnelle, puisque l’homme doit accepter le salut par la foi, qui est la condition pour le salut. Mais Dieu aide l’homme à avoir cette foi, sans que la foi soit pour autant entièrement et unilatéralement l’œuvre de Dieu.
- Christ est mort pour tous, mais sa mort n’a absolument aucun effet chez ceux qui n’acceptent pas ce salut. Ainsi, ce n’est nullement la responsabilité de Dieu si certains ne sont pas sauvés, puisqu’il aime tous les hommes et veut le salut de tous. Mais la conséquence est que son amour, manifesté par la mort de Christ, ne change rien du tout – c’est comme s’il n’existait pas – chez ceux qui ne sont pas sauvés. Christ n’est pas mort en vain en ce qui concerne les perdus, toutefois, puisque sa mort a au moins l’effet de leur montrer son amour illimité à leur encontre.
- L’homme peut résister et même refuser le salut, mais Dieu intervient néanmoins pour attirer les pécheurs à lui. Dieu n’est pas passif, attendant simplement que l’homme veuille bien se convertir. Au contraire, il agit très activement pour inciter les gens à la conversion. Mais il ne le fait pas au point de violer la liberté humaine (liberté qu’il a mise en place lui-même, dans sa souveraineté).
- Une personne qui est réellement sauvée ne se détournera pas du salut, donc le salut ne se perd pas. Mais une personne qui manifestement ne marche pas avec Dieu et ne veut pas que Dieu règne dans sa vie n’est pas sauvée, même si autrefois tout portait à croire qu’elle l’était. Ce n’est pas que cette personne ait perdu son salut, mais elle a fini par montrer qu’elle n’était jamais réellement née de nouveau.
Ces affirmations sont très proches, à quelques nuances près, de celles de la majorité des évangéliques en France. Elles sont moins choquantes que le calvinisme brut (Dieu ne veut pas le salut des perdus ; Christ n’est pas mort pour eux ; l’amour de Dieu n’est que pour les élus) ou l’arminianisme brut (l’homme contribue à son salut par sa bonne volonté en acceptant le salut, et il perd son salut s’il change d’avis).
Le problème ici n’est pas les affirmations en soi, mais le fait que, pour la plupart, elles ne sont pas réellement des positions intermédiaires. La plupart sont simplement des formulations d’une position calviniste ou arminienne, mais avec quelques nuances.
- La première affirmation est la plus proche d’une véritable position intermédiaire, puisqu’elle met en avant en même temps :
– la position calviniste : l’homme naturel ne peut pas, par lui-même, accepter le salut parce que sa nature pécheresse fait qu’il n’est pas du tout disposé à cela.
– la position arminienne : l’homme naturel est capable, en fin de compte, d’accepter le salut.
Toutefois, selon l’interprétation qu’on en fait, ce serait une affirmation tout à fait acceptable à la fois pour :
– un calviniste, qui dirait simplement que l’homme accepte le salut parce que Dieu l’a incité à le faire,
– ou un arminien, qui ne nie nullement le fait que Dieu appelle les gens à lui-même.
Ainsi, l’aspect intermédiaire de la position réside uniquement dans l’ambiguïté de la formulation.
- La deuxième affirmation relève tout simplement de la position arminienne. L’œuvre de Dieu qui aide les perdus à venir à la foi n’est pas du tout incompatible avec l’arminianisme, à condition de ne pas dire que cette aide va jusqu’au point d’invalider complètement la liberté humaine. Ainsi, le fait de dire que l’élection est conditionnelle, mais que Dieu aide l’homme à entrer dans la condition qui lui permet d’être sauvé (l’acceptation du salut par la foi) est tout de même une formulation d’élection conditionnelle.
- La troisième affirmation est également une conviction purement arminienne. Dans les milieux évangéliques, personne ne nie que la mort de Christ ne sauve pas, en soi, ceux qui refusent ce salut. L’enjeu est de savoir si tout le monde pourrait être sauvé par la mort de Christ, à condition de l’accepter, et la formulation donnée ci-dessus affirme que c’est effectivement le cas.
- La quatrième affirmation relève aussi de l’arminianisme. La précision que Dieu attire les perdus à lui n’est pas contraire à la doctrine arminienne. Du moment qu’on admet que cette œuvre de Dieu ne va pas jusqu’au point d’invalider complètement la liberté humaine, on est dans la théologie arminienne.
- La dernière affirmation, enfin, est tout simplement la position calviniste sur ce point : l’homme ne peut pas perdre son salut s’il est réellement sauvé. Dire qu’une personne qui ne marche pas du tout avec Dieu n’est pas sauvée, même si autrefois elle semblait être au Seigneur, donne une précision acceptée par la très grande majorité de ceux qui se réclament du calvinisme. Très, très peu, en effet, diraient qu’une personne est sauvée alors que toutes ses valeurs et toute sa façon de vivre indiquent le contraire, simplement parce qu’autrefois elle a fait profession de foi.
- La position intermédiaire n’en est donc pas réellement une. C’est un mélange de calvinisme et d’arminianisme, avec des nuances pour éviter certains malentendus dans les différents points. C’est cette constatation qui donne lieu à la dernière ligne théologique, la position éclectique.
La position éclectique
La position éclectique ne prétend pas se situer entre le calvinisme et l’arminianisme sur les enjeux du débat. Elle reconnaît que si on formule les positions avec suffisamment de clarté, on constate qu’on est forcément dans l’une ou l’autre des deux grandes optiques sur la question. La position éclectique est tout simplement calviniste dans certains domaines et arminienne en d’autres.
On peut imaginer n’importe quelle composition des deux positions et le résultat serait éclectique du moment qu’elle comporterait au moins un point de calvinisme et un point d’arminianisme. Mais le plus souvent, la position éclectique est arminienne sur les points deux, trois et quatre, et calviniste sur le cinquième, celle qui porte sur la perte du salut. Ce n’est que sur le premier point qu’il y a divergence d’opinions parmi ceux qui défendent une position éclectique :
- Certains sont de conviction calviniste sur ce point. Ils disent que l’homme naturel, en lui-même, n’est absolument pas capable de répondre positivement à l’offre de salut, ni même de contribuer en quoi que ce soit à cette acceptation. La conversion est donc le résultat de l’œuvre de Dieu et ne vient nullement d’une bonne disposition quelconque chez l’homme pécheur qui accepte le salut.
- D’autres s’alignent avec les arminiens sur ce point. Ils reconnaissent que Dieu agit pour attirer les hommes à lui, mais maintiennent que le dernier mot revient à l’homme qui, quelque part, est capable de l’accepter librement malgré son péché.
- Comme on verra par la suite, on peut même être pour ainsi dire calviniste et arminien sur ce point, en disant que les deux ont raison (même si on n’arrive pas à comprendre comment cela est possible).
La position éclectique est donc très proche de la position intermédiaire, à la différence près qu’elle reconnaît que ses réponses ne se situent pas entre les deux thèses, mais constituent simplement une composition d’affirmations choisies dans les deux colonnes. En réalité, ceux qui croient défendre une position intermédiaire sont tous, dans le fond, éclectiques.
Le grand problème avec la position éclectique (et donc avec la position intermédiaire) est qu’elle se contredit. Il est même relativement facile de le montrer clairement.
Il suffit de commencer avec la question : « Est-ce que l’homme contribue en quelque chose à son salut ? » Est-ce que le salut est entièrement l’œuvre de Dieu, d’un bout à l’autre, ou est-ce que l’homme y participe, même d’une manière minime ? (Parmi les évangéliques, cette participation est vue le plus souvent dans l’acceptation du salut par la foi.)
Si l’homme ne contribue en rien du tout à son salut, tous les points du calvinisme suivent logiquement. C’est pourquoi cette proposition est le point de départ du calvinisme. Dans ce cas, n’importe quel point de l’arminianisme est une contradiction. Et, tout aussi logiquement, tous les problèmes implicites dans le calvinisme s’en suivent aussi.
Inversement, si l’homme contribue en quoi que ce soit à son salut, si Dieu ne peut pas sauver quelqu’un sans que cette personne accepte volontairement d’être sauvée, tous les points de l’arminianisme avec leurs problèmes théologiques découlent logiquement de cette seule proposition. Dans ce cas, une logique rigoureuse nous impose d’accepter, non une partie, mais la totalité des points de l’arminianisme.
Toute position éclectique contient donc des contradictions internes insolubles, par le fait même d’être éclectique. Puisque les positions calviniste et arminienne se contredisent systématiquement, mais forment chacune un système avec une logique interne, le fait de les amalgamer oblige l’acceptation de contradictions logiques.
Conclusion sur les différentes conceptions
Chacune des positions présentées a donc ses points forts et ses points faibles. Toutefois, le but n’est pas de choisir celle qui semble le plus raisonnable, mais celle qui est conforme à l’enseignement de la Bible. Seulement, qui dit « l’enseignement de la Bible » dit : « ce que le texte dit réellement » – l’ensemble du texte et non uniquement les passages qui nous conviennent – correctement compris dans son contexte.
Cela peut sembler évident, mais ce ne l’est pas toujours. Il est facile de voir dans un texte ce qu’on a envie d’y voir – par erreur, par manque de connaissances, ou par refus de mettre en cause ses interprétations. En vue de réduire autant que possible ce problème – sachant qu’on ne peut jamais l’éliminer complètement – il est indispensable d’appliquer certaines règles d’interprétation saines. L’ensemble de ces règles s’appelle l’herméneutique. Celle-ci ne s’applique pas uniquement à la Bible, mais l’herméneutique biblique est un sujet hautement important pour toute étude biblique sérieuse.
Avant d’essayer de trancher sur les différentes positions théologiques proposées en ce qui concerne le salut de l’homme, nous allons donc nous pencher un peu sur ces règles d’interprétation. Cela nous aidera à voir plus clair dans ce domaine où les lignes sont souvent très tranchées. Il ne s’agira pas de faire le tour de l’herméneutique ; c’est un vaste domaine qui dépasse largement le cadre de nos considérations ici. Mais nous allons regarder au moins comment il faudrait s’approcher de la Bible pour comprendre ce qu’elle a à nous dire dans ce domaine si important.
David SHUTES est pasteur, conférencier et enseignant biblique. Il est professeur à l’Institut Biblique de Genève (IBG), et dans différents instituts africains. Il est l’auteur de plusieurs livres. Vous retrouverez cet article sur son site : http://www.davidshutes.fr . C’est le 2e extrait de son livre : Calviniste, arminien, intermédiaire ou éclectique ?