Un débat sans fin

par David SHUTES

Tous les problèmes théologiques n’ont pas de solution simple et convaincante. C’est dur à admettre pour un théologien, mais devant certaines questions, nous sommes obligés de répondre : « Je ne sais pas. »

Notre information est terriblement incomplète, et notre manière de raisonner est forcément imparfaite. Du coup, notre raisonnement nous conduit souvent à des réponses insoutenables et, dans l’incapacité de situer l’erreur, nous devons avouer nos limites. Nous ne savons pas tout, et nous ne comprenons pas tout.

Le péché est un de ces sujets où nous n’avons pas de réponse suffisante. D’après ce que la logique humaine peut comprendre, le péché ne devrait pas exister. Si Dieu est parfait, tout ce qu’il fait l’est aussi, ses créatures y compris. Or, le péché étant quelque chose de mauvais, il ne semble y avoir aucune raison logique pour laquelle une créature parfaite choisirait cette voie franchement imparfaite. La liberté de choisir ne suffit pas à elle seule pour résoudre le problème. Bien sûr, une créature réellement libre pourrait choisir le péché. Mais pourquoi le ferait-elle ?
Les mauvais choix s’expliquent par de mauvaises dispositions ou des informations insuffisantes. Quelqu’un qui a de mauvaises dispositions ou qui manque d’informations sur un point essentiel est une créature imparfaite ; ce n’est donc pas ainsi que Dieu l’a créé.

Dieu a-t-il fait exprès de créer les hommes (et les anges, soit dit en passant) de manière imparfaite, pour qu’ils puissent tomber dans le péché ? Impensable ; cela rendrait Dieu responsable du péché. Non seulement cela contredit la nature parfaite de Dieu, mais aussi la nature du péché. Celui-ci étant le refus de la créature de vivre selon la volonté de Dieu, s’il faisait partie de ce que Dieu a voulu, le péché ne serait plus péché !

Comment expliquer alors l’origine du péché ? Nous ne le pouvons pas. Toutes les tentatives conduisent à des erreurs manifestes. Pourtant, le péché existe. Nous ne pouvons que le constater.
Et s’il existe, comment expliquer aussi qu’une créature empreinte de péché s’en détourne, en acceptant le salut ? Cela ne devrait pas se faire non plus. Pourtant, tout comme le péché, le salut existe. Des centaines de millions de personnes l’ont expérimenté dans l’histoire de l’humanité.

C’est la tentative d’expliquer la conversion qui a conduit au débat qui, de nos jours, prend la forme du choix entre les systèmes de pensée qui s’appellent le calvinisme et l’arminianisme.
Le premier est nommé d’après le réformateur Jean Calvin, bien qu’il ait été élaboré dans sa forme actuelle une cinquantaine d’années après sa mort.
Le second tire son nom du théologien hollandais Jacob Arminius, qui a essayé de répondre au calvinisme. Pour lui, le calvinisme ne tenait pas suffisamment compte de la liberté que Dieu lui-même avait donnée aux êtres humains.
Mais le débat est bien plus ancien que les formulations utilisées à l’époque moderne. Déjà dans le livre de Job, on trouve certains propos qui relèvent de la difficulté à faire la part entre la souveraineté de Dieu et la liberté qu’il nous a donnée.

Moi-même, j’ai lutté longtemps avec cette question, et j’ai changé de position plusieurs fois. Élevé dans la théologie arminienne pure, j’ai été obligé de constater que mon parcours vers Dieu n’était pas le simple choix d’accepter le salut, comme je l’avais pensé. Dieu était intervenu de nombreuses fois, de manières très diverses, pour influencer mon choix. Sans son intervention, je n’aurais jamais choisi de lui faire confiance et de me tourner vers lui.

M’étant rendu compte de cela dans le début de ma vie adulte, je suis devenu calviniste. Peut-être n’ai-je jamais été un calviniste aussi pur que l’arminien que j’avais été auparavant, mais il est indiscutable que j’étais calviniste. J’étais convaincu que c’est Dieu, en fin de compte, qui fait le choix de qui sera sauvé et qui ne le sera pas, plutôt que l’homme qui se positionnerait librement.

Mais au bout de quelques années, j’étais obligé d’admettre que cela conduisait à des problèmes tout aussi grands que l’arminianisme, si ce n’est pas plus grands encore. J’ai donc fait marche arrière par rapport au calvinisme aussi, en adoptant une position qui n’est pas vraiment en accord total avec l’un ou l’autre de ces deux camps théologiques. Pourtant, il m’a fallu encore de nombreuses années pour arriver à définir avec clarté, même dans ma propre tête, les contours de cette position.

Je sais qu’il s’agit d’un débat houleux, où même entre évangéliques, on a parfois tendance à considérer comme hérétiques ceux qui ont un avis différent du nôtre. Le but du présent document est d’expliquer ma position et les raisons qui m’y ont conduit. Si cela peut aider d’autres à voir un peu plus clair, sa rédaction en aura valu la peine.

David SHUTES est pasteur, conférencier et enseignant biblique.
Il est professeur à l’Institut Biblique de Genève (IBG), et dans différents instituts africains. Il est l’auteur de plusieurs livres. Vous retrouverez cet article sur son site : http://www.davidshutes.fr
. C’est le 1e extrait de son livre : Calviniste, arminien, intermédiaire ou éclectique ?