Qui étaient Jean Calvin et certains de ses contemporains ?
Né en Picardie (France) en 1509, le jeune Jean Calvin fut fortement impressionné par la sérénité avec laquelle un jeune martyr chrétien fit face à la mort sur un bûcher. Calvin se détacha du catholicisme romain vers 1527 et passa peu après par la nouvelle naissance.
La situation politique et sociale très instable et peu favorable aux dissidents l’incita à se réfugier en Suisse. C’est là, alors qu’il n’avait que vingt-sept ans, qu’il publia à Bâle la première édition en latin de Institutio Religionis Christianae. Cela faisait à peine neuf ans que Calvin avait quitté le catholicisme. À l’origine, l’ouvrage ne comportait que six chapitres, mais au cours des vingt-quatre années suivantes, il étoffa considérablement son travail. L’œuvre fut bientôt traduite en français sous le titre Institution de la Religion Chrétienne et, plus tard, en anglais.
Calvin trouva à Genève l’occasion de réaliser son désir de créer une « sainte communauté ». À cette époque, la ville s’était affranchie du joug de l’autorité de l’évêque catholique romain d’une part et de celle du duc de Savoie voisin d’autre part. La ville suisse de Berne, déjà gagnée à la Réformation, avait aidé Genève à prendre son indépendance, mais la ville n’avait pas encore demandé son rattachement à la Confédération Helvétique. Par le traité de 1544, signé du temps de Calvin à Genève, la ville devint pendant un certain temps une entité indépendante ouverte aux ministres de l’Évangile qui fuyaient la France et cherchaient à se protéger de la persécution.
Guillaume Farel, un fervent prédicateur de la justice, originaire de Gap, dans les Hautes-Alpes, avait failli déclencher une guerre civile à Genève, obligeant les magistrats à prendre hâtivement quelques mesures de réforme pour rétablir l’ordre. Mais malgré toutes ses qualités, Farel ne se sentait pas apte à mener toutes les réformes nécessaires dans la ville. Aussi, lorsque le jeune Calvin vint à passer par Genève, Farel le menaça de toutes les flammes de l’enfer s’il ne restait pas ! Calvin céda.
Les convictions de Calvin à propos des relations entre l’Église et l’État provoquèrent de nouvelles frictions. Il affirmait à juste titre et constamment que l’Église devait être indépendante et qu’elle seule était habilitée à décider de ses pratiques liturgiques. Par-dessus tout, il affirmait que seule l’Église avait le droit d’excommunier les personnes qui refusaient de coopérer. Les magistrats de la ville s’opposèrent à cette dernière déclaration. À cause de son insistance, Calvin fut donc banni un certain temps de Genève et il s’établit à Strasbourg. Il fut cependant rappelé dès 1541 et, après une nouvelle brève dispute en 1553, il fut finalement admis que l’exercice de la discipline ecclésiastique serait du domaine de l’Église et non des autorités civiles. Cela n’empêchait pas le Conseil de la ville – toujours enclin à vouloir jouer au plus fin avec Calvin – de détenir de grands pouvoirs dans les questions civiles et religieuses. Pour Calvin, tout membre de la ville-état de Genève devait se soumettre à la discipline de l’Église ; il exigeait que les citoyens signent une confession de foi ou quittent la ville.
Michel Servet, un médecin dont les idées religieuses différaient radicalement de celles de Calvin, avait été arrêté, jugé et emprisonné par la hiérarchie catholique romaine. Ayant réussi à s’évader, il passa par Genève où il fut reconnu. Calvin ordonna son arrestation. Il fut de nouveau jugé, déclaré coupable et brûlé vif, avec l’approbation de Calvin et des autres réformateurs. Servet niait la divinité du Saint-Esprit et prétendait que Jésus n’était pas le Fils éternel. Homme pugnace et irritable, violent et provocateur, il avait entrepris cependant des recherches fondamentales en médecine et avait observé la circulation pulmonaire du sang vingt-cinq ans avant William Harvey. Écrivain prolifique sur les sujets religieux, il avait attaqué violemment Calvin, l’accusant d’être « un menteur, un fou, un tricheur et un gredin ». On peut comprendre que Calvin ait eu envie de se débarrasser de lui !
Nul ne peut nier la vigueur intellectuelle de Calvin ni son labeur infatigable dans les efforts déployés pour réformer l’Église. Il vivait de façon frugale, dans un attachement désintéressé à ce qu’il croyait être la volonté de Dieu. Il avait perdu sa mère alors qu’il n’avait que six ans. En 1540 il épousa Idelette, une veuve avec deux enfants. Dès leurs premières années de mariage, le couple perdit trois enfants, deux nés prématurément, le troisième décédé en bas âge. Après seulement neuf années de vie conjugale, Calvin, âgé de quarante ans, perdit Idelette, probablement victime de la tuberculose.
Calvin resta Français et ne voulut jamais devenir un citoyen de Genève. I
l était d’un tempérament imprévisible, capable à certains moments de la plus extrême bonté et compassion envers autrui. Mais à d’autres moments, il savait se montrer brutal et colérique, surtout vis-à-vis des personnes qui ne partageaient pas sa théologie. Plusieurs passages de l’Écriture nous rappellent la nécessité d’être doux avec les gens.
« La sagesse d’en haut est premièrement pure, ensuite pacifique, modérée, conciliante, pleine de miséricorde et de bons fruits, exempte de duplicité, d’hypocrisie. Le fruit de la justice est semé dans la paix par ceux qui recherchent la paix » (Ja 3.17-18).
« Or, il ne faut pas qu’un serviteur du Seigneur ait des querelles ; il doit, au contraire, être affable pour tous, propre à enseigner, doué de patience ; il doit redresser avec douceur les adversaires, dans l’espérance que Dieu leur donnera la repentance pour arriver à la connaissance de la vérité » (2 Ti 2.4).
Paul était rempli de douceur : « Mais nous avons été pleins de douceur au milieu de vous. De même qu’une nourrice prend un tendre soin de ses enfants » (1 Th 2.7). Paul nous exhorte à être pleins de douceur avec tous : «de ne médire de personne, d’être pacifiques, modérés, pleins de douceur envers tous les hommes » (Ti 3.2). L’agressivité est exclue :
« Mais le fruit de l’Esprit, c’est l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la foi, la douceur, la maîtrise de soi » (Ga 5.22-23). L
es fréquents et douloureux ennuis de santé soufferts par Calvin expliquent en partie ses sautes d’humeur.
Calvin avait une idée très étriquée du chant communautaire.
Il recommandait : « Chantez des Psaumes, simplement, sans harmonie. » Est-ce un autre aspect de son tempérament austère et solennel ?
Il adopta cette attitude à l’égard de la musique dans l’Église, alors qu’à son époque il y avait des compositeurs talentueux de musique religieuse sur des thèmes de l’Écriture.
À la fin de ses sermons, Calvin avait l’habitude de dire : « Prosternons-nous maintenant devant la majesté de notre bon Dieu, invoquons-le pour qu’il nous accorde sa grâce, et non seulement à nous mais également à tous les peuples et toutes les nations de la terre. » Il prononçait ces paroles alors qu’il avait déjà dit par écrit qu’il existait sur la terre des peuples que Dieu n’avait ni le désir ni l’intention de sauver.
Âgé de cinquante-cinq ans et conscient de sa mort imminente, Calvin réunit une dernière fois ses collègues dans le ministère. Il était alors extrêmement faible et incapable de quitter le lit, mais il avait l’esprit très clair.
Il passa en revue son long ministère à Genève, en employant des paroles où se mêlaient le dévouement, sa propre justification et l’amertume.
Il déclara entre autres à ses collègues rassemblés autour de son lit de malade : « Tout ce que j’ai fait n’a rien valu. » Il le répéta en ajoutant :
« Je suis une misérable créature. J’ai toujours voulu le bien, mais mes vices m’ont déplu. La racine de la crainte de Dieu a été dans mon cœur… Je n’ai pas corrompu un seul passage de l’Écriture, ni donné consciemment une fausse interprétation. Tout changement est dangereux et parfois néfaste. »¹
Qu’entendait Calvin par « Tout changement est dangereux et parfois néfaste » ? Avait-il hésité à se concentrer sur sa compréhension de la nature exacte de la souveraineté divine, de l’élection au salut, de la prédestination et du libre arbitre, et à la remettre en en question ? Était-il tiraillé en lui-même en prenant de mieux en mieux conscience que sa position sur l’élection était finalement fausse ? Tout changement est-il néfaste par nature ? Sommes-nous là devant un homme doté d’une certaine rigidité intellectuelle qui l’emporte sur le désir de changement ? Insistait-il fortement sur la vieille nature, décrite en Romains 7, sans connaître l’allégresse de l’oeuvre libératrice et transformatrice de l’Esprit, décrite en Romains chapitre 8 ? Paul tressaillait d’allégresse à la pensée d’être assis dans les lieux célestes en Christ (Ép 2.6). Dans sa jouissance consciente d’un héritage céleste impérissable, Paul donne libre cours à des accents de triomphe. Qu’il serait tragique si Calvin, après toutes les épreuves endurées, n’avait pas réussi à se réjouir dans l’assurance de la proximité de son Sauveur, de la récompense et de la béatitude qui l’attendaient indubitablement au ciel !
Personne ne conteste le fait que nos expériences ont tendance à colorer notre perception de Dieu. Après avoir étudié le comportement humain, qui douterait du rôle que notre tempérament joue dans nos choix religieux ?
Les pertes tragiques que Calvin avait subies sur le plan affectif et sa santé fragile peuvent expliquer en partie son austérité. Pendant des années, il souffrit d’insomnie, de troubles digestifs et d’hémorroïdes. À ces maux s’ajoutèrent à la fin de sa vie les douleurs occasionnées par des calculs rénaux ; il en élimina plusieurs par les voies urinaires, mais au prix de blessures douloureuses. Reconnaissons et honorons la persévérance de Calvin ainsi que sa consécration tenace à ce qu’il se croyait tenu d’accomplir malgré de grandes souffrances.
En tout juste vingt-quatre années de ministère spirituel intense, Calvin réussit à publier plus de quarante-cinq livres, depuis son commentaire sur la Genèse, en passant par ses trois volumes de traités, ses nombreux commentaires des livres bibliques pour arriver à ce qui est considéré comme le couronnement de son œuvre, l’Institution de la Religion Chrétienne. Il mourut dans la pauvreté en 1564.
Dans ses écrits, Calvin se montre rarement tendre avec ceux qui ne partageaient pas ses idées. Mille ans plus tôt, Augustin d’Hippone (354-430) avait recommandé de mettre à mort ceux qui, après avoir reçu le baptême des nourrissons, demandaient à passer par les eaux du baptême en tant que croyants. Ni Calvin ni Luther ne semblent avoir dit quoi que ce soit pour décourager les violentes persécutions des milliers d’adeptes de la Réformation Radicale en Suisse, en Allemagne, en France, en Hollande et ailleurs. Bien que coupables de regrettables excès en certains endroits, ces mouvements religieux parallèles prônaient un retour complet à la doctrine et à la pratique révélées dans le Nouveau Testament. Ils étaient partisans de la séparation de l’Église et de l’État et n’administraient le baptême qu’aux personnes qui faisaient profession de foi au Seigneur Jésus et dans son œuvre expiatoire.
C’est Augustin d’Hippone (354-430) qui, à la suite d’une mauvaise interprétation de la parabole de Luc 14.16-23, a introduit la notion de forcer les gens à entrer dans le royaume de Dieu. Le verset 23 parle de contraindre les gens à venir et à remplir la salle du festin. Augustin exprima sur la prédestination des idées que Calvin reprendra plus tard. Il est incontestable que Calvin fut davantage influencé par Augustin, qu’il cite fréquemment, que par n’importe lequel des autres responsables de l’Église des premiers siècles.
Le mouvement de la Réformation Radicale avait précédé la naissance de la Réforme Protestante en Europe. La plupart des réformateurs radicaux étaient surnommés « anabaptistes » (litt. « rebaptiseurs »).
Parmi les différents courants, il y avait des groupes qui seront connus sous le nom de Mennonites, Amish, Huttérites et les églises de Frères.
Leurs principes excluaient le recours à la force dans les questions religieuses, et comprenaient la pratique du baptême des croyants soit par immersion, soit par effusion. Ces chrétiens adoptaient un style de vie simple ; ils insistaient sur la nécessité d’une sanctification pratique et sur la justification juridique devant Dieu. Cela signifie qu’une fois que nous sommes « en Christ », nous sommes déclarés justes, même si notre comportement quotidien laisse encore beaucoup à désirer. Les partisans de la Réformation Radicale du seizième siècle insistaient pour que ces deux aspects soient visibles dans la vie des croyants.
Les anabaptistes insistaient sur la vie chrétienne pratique plutôt que sur la récitation du Credo (ou Symbole des apôtres) de Nicée ou sur les confessions de foi particulières. Pour eux, la réalité s’ancrait dans le roc solide de la vérité biblique sous les directives quotidiennes et revêtues d’autorité du Saint-Esprit. Il y avait parmi eux beaucoup de pacifistes et de gens qui rejetaient les études théologiques officielles.
Calvin consacre tout le chapitre 16 de l’Institution de la Religion Chrétienne à défendre et à promouvoir de manière directe le baptême des enfants, en disant que c’est un rite néotestamentaire qui agit comme la circoncision dans l’Ancien Testament. Malheureusement, en abordant ce sujet, il ne tolère aucune opinion divergente. N’est-il pas étrange qu’aujourd’hui, certains courants chrétiens qui s’opposent vigoureusement au baptême des nourrissons se considèrent cependant calvinistes ? Beaucoup de croyants mal informés se contentent de sources secondaires comme autorité en matière de vérité religieuse. Consulte Calvin, paresseux (voir Proverbes 6.6), et étudie ce que ce grand homme a vraiment à dire ! Ce faisant, tu découvriras d’excellentes choses qu’il a enseignées, mais également quelques surprises de taille.
Les autorités civiles et les églises protestantes calvinistes et luthériennes considéraient les anabaptistes comme des gens dangereux et hérétiques. Des dizaines de documents historiques dignes de foi attestent cependant du fait que dans les grands domaines de la foi chrétienne, l’immense majorité des anabaptistes étaient de fidèles disciples du Seigneur Jésus-Christ ;
ils n’auraient donc pas dû être jugés comme hérétiques.
Des milliers furent pourchassés et mis à mort ; hommes, femmes et enfants. Beaucoup d’enfants en bas âge furent arrachés à leurs parents pour être confiés aux soins de membres loyaux des églises officielles.
À certains moments, la persécution déclenchée par les calvinistes contre tous ceux qui ne partageaient pas leurs convictions devint tellement violente que des gens préférèrent émigrer. Ce fut l’origine de colonies de pionniers comme à Plymouth, dans le Massachusetts, en 1620, moins d’un an après la fin du Synode de Dordrecht. À ce moment-là, le Speedwell, un navire qui accompagna le Mayflower, mit les voiles et quitta le port de Delft, au Pays-Bas, ayant à son bord des exilés anglophones en quête de terres plus hospitalières et plus tolérantes. Tous cherchaient à fuir la bigoterie, l’oppression et le dogmatisme religieux.
Ne devrions-nous pas nous sentir déconcertés par l’intolérance à l’égard des dissidents et par la haine dont de nombreux responsables d’églises protestantes ont abreuvé les anabaptistes aux seizième et dix-septième siècles ? Même la reine Élisabeth Ie d’Angleterre a promulgué des édits contre eux. Les condamnations étaient nombreuses et la tolérance n’était pas courante à cette époque. Il n’empêche que l’intolérance et la haine de ceux qui professent la foi chrétienne sont toujours inexcusables. Pendant plus de deux siècles, les protestants calvinistes et luthériens, qui conservaient quelques aspects du catholicisme romain, ont continué de harceler des gens sincères qui croyaient à la Bible.
L’extrémisme fanatique manifesté à Münster en Allemagne et la ferveur religieuse qui provoqua la Révolte des paysans (1525) fermèrent l’esprit de Luther et sans doute aussi celui de Calvin. Les mouvements extrémistes sporadiques qui se répandirent en Hollande et en Allemagne créèrent encore davantage de confusion à propos des croyances centrales des chrétiens du type anabaptiste.
La plupart des historiens protestants ont continuellement calomnié ces disciples de Jésus souvent remplis d’amour, jusqu’à ce que des recherches plus récentes révèlent leur véritable esprit paisible et pacifique.
Dans leur grande majorité, les anabaptistes jouissaient de la faveur des citoyens ordinaires qui étaient dégoûtés par la corruption qui gangrenait l’Église et l’État. Certains réformateurs appuyés par l’État semblaient éprouver du plaisir à faire des déclarations dogmatiques les plus absolues et les plus restrictives. C’était une attitude très périlleuse, puisque certaines de leurs chères certitudes religieuses se fondaient sur une interprétation pour le moins douteuse.
Remarquons que le refus de ces réformateurs de tolérer ou d’appliquer le vrai sens du baptême signifie que Calvin choisit de retenir sa position sur le baptême des nourrissons. Pour Calvin, le baptême remplace la circoncision, mais la Bible ne l’affirme nulle part. Pourtant, si c’était le cas, Pierre l’aurait clairement confirmé lors du débat rapporté dans Actes 15.4-11.
De même, Paul n’aurait-il pas saisi l’occasion d’en parler dans Galates 5.1-6 ? (cf. également Philippiens 3.1-3.) Paul affirme sans aucune équivoque dans Romains 2.29 que pour les chrétiens « la circoncision, c’est celle du cœur, selon l’esprit et non selon la lettre. »
Le fait d’être ‘rebaptisé’ conformément à l’enseignement du Nouveau Testament était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase et provoquait tant de dissensions et de ruptures entre les chrétiens à l’époque de la Réformation. Luther et Calvin s’en tenaient au statu quo et prônaient le baptême de tout le monde, notamment des nouveaux-nés, tandis que le courant anabaptiste voyait que le baptême dans le Nouveau Testament définit un acte d’obéissance et de consécration personnelle.
Le baptême traduit donc l’intention du croyant de suivre Jésus dans la vie et d’accomplir les œuvres que la vraie confiance en Christ inspire et rend possibles.
Si Calvin et Luther ont continué à propager de telles idées fondamentales fausses, pourquoi le vrai disciple de Jésus ferait-il aujourd’hui confiance aux opinions de ces deux réformateurs sur d’autres sujets de doctrine sans les examiner à la loupe point par point, Bible en main, demandant que l’Esprit Saint l’éclaire ? Les disciples de Béree nous en donnent l’exemple (Actes 17 :11).
Les anabaptistes et autres mouvements non-conformistes étaient largement connus pour leur intégrité, leur vie pure et leur dur labeur.
La plupart de leurs leaders étaient d’ardents promoteurs d’une église authentiquement néo-testamentaire et ont parfois payé de leur vie la défense de leurs convictions. Ils s’en tenaient au principe que des gens ordinaires peuvent étudier et comprendre la Parole de Dieu avec l’aide du Saint-Esprit et que l’interprétation de la Bible n’était pas l’apanage de gens formés dans les universités ou séminaires. Ils se méfiaient, comme nous devons le faire, des érudits qui tordaient le sens clair des Écritures pour le rendre conforme à leurs idées préconçues. Au lieu d’une réformation, les anabaptistes préconisaient le retour au modèle d’église décrit dans les pages du Nouveau Testament. Ces principes incluaient la volonté de rendre publiquement témoignage à la puissance de salut de Jésus-Christ, et à accepter la souffrance qui pouvait accompagner ce témoignage.
La Confession de Dordrecht de 1632 (et non pas le Synode de Dordrecht de 1619) était une Confession de foi très évangélique avec l’ajout d’un ou deux points particuliers, comme le lavement des pieds et la discipline de l’examen de conscience parmi les membres de l’assemblée locale des croyants. Elle encourageait une interprétation stricte de l’enseignement de Paul dans 1 Corinthiens 5.11 à propos des saints rétrogrades qu’il fallait éviter, quitte même à vivre loin des membres de sa propre famille qui se seraient détournés de la vérité. Il faut cependant reconnaître que cette séparation extrême a rarement été appliquée de façon absolue, car cet esprit de séparation peut facilement se transformer en attitude de propre justice. Pourtant, on le trouve encore de nos jours parmi les Amish et certaines branches strictes des Frères Darbystes.
Menno Simons (1496-1561), le père des Mennonites, avait été prêtre catholique romain. Quand les autorités mirent à mort son frère Pierre, ainsi que trois cents autres anabaptistes qui avaient cherché refuge dans sa patrie en Hollande pour fuir la persécution, Menno fut profondément ému par leur témoignage radieux. Ce fut pour lui le début d’une longue période de questionnement, de doute, de recherche et de lutte avec Dieu. Voici ce qu’il rapporte de cette expérience :
« Mon cœur était tout tremblant. Je criais à Dieu avec soupirs et larmes, Lui demandant de faire don de Sa grâce à un pécheur troublé et de créer en moi un cœur pur ; Le priant de me pardonner, à cause du sang de Christ, l’impureté de ma vie aussi vaine que grossière, puis de me donner sagesse, force, courage et un héroïsme viril pour prêcher sincèrement Son Nom suprême et adorable, ainsi que Sa sainte Parole et mettre en lumière Sa vérité et sa gloire. » 2
Des années plus tard, Menno déclara ceci à propos de sa conversion : qu’il était prêt à renoncer à sa réputation mondaine, à son nom, à sa renommée et à une existence confortable, à accepter une vie de pauvreté et de misère à cause de Christ. Il rejetait également le baptême des nourrissons. Menno Simons lutta moins contre les catholiques que contre le fanatisme extrême de certains éléments à la limite de l’anabaptisme et contre l’opposition incessante des partis calviniste et luthérien.
Balthazar Hübmaier, né en 1481 et cruellement brûlé vif à Vienne en 1528, était un contemporain important de Menno Simons. Après avoir été prêtre catholique romain, il décida en 1522 de placer sa confiance en Christ seul pour son salut et de marcher dans l’obéissance à son Seigneur. Il publia quelques solides documents dans l’esprit de la Réformation radicale.
Zwingli, un autre réformateur, le fit arrêter. Sous la torture, il « reconnut » son « hérésie ». Ce fut un triste geste d’apostasie pour Hübmaier, mais il se repentit d’avoir signé son abjuration et continua de servir fidèlement le Seigneur Jésus-Christ. Balthazar Hübmaier et Menno Simons possédaient tous deux le courage et le désir de remettre en usage certaines vérités néo-testamentaires que les principaux réformateurs préférèrent ignorer.
Nulle part, le principe Sola Scriptura ne fut autant pris au sérieux que parmi la plupart des anabaptistes méprisés.
Nous devrions encore mentionner brièvement certains autres personnages fidèles de cette période. Vers 1523, Matthieu Zell, pasteur de la cathédrale de Strasbourg, prêchait courageusement la Réforme et rejetait résolument l’idée qu’il fallait persécuter les gens en raison de leur foi. Il considérait la plupart des anabaptistes comme de vrais chrétiens tout à fait recommandables qu’il ne fallait pas contraindre. Les 95 thèses de Luther furent affichées sur la porte de toutes les églises et tous les presbytères de Strasbourg. C’est également là que Balthazar Hubmaier écrivit et publia en 1525 son excellent livre sur le baptême des croyants.
Les annales de la ville de Strasbourg révèlent qu’en 1528 un ingénieur civil autrichien du nom de Pilgram Marpeck devint citoyen de la ville. Il avait fui son Autriche natale parce qu’il refusait de prendre part à l’arrestation des anabaptistes. La ville l’embaucha pour créer une voie d’eau permettant le transport du bois de la Forêt Noire jusqu’à Strasbourg. Profondément soucieux de l’unité entre tous ceux qui croient en Christ, il devint un théologien de renom bien que n’ayant pas suivi une formation théologique classique. Il enseignait que l’Église formait la société de ceux qui choisissaient librement d’obéir à Christ et que ce n’était pas rendre service à quelqu’un de le considérer comme membre d’église s’il ne voulait pas obéir à Christ de son plein gré. Il se disait que si Dieu attend une réponse librement consentie de tous les hommes, le fait de forcer quelqu’un à croire une chose dont il n’est pas convaincu, c’était aller à l’encontre du commandement divin.
L’un des réformateurs radicaux les plus doux fut Hans Denck (mort en 1527). Il désarmait ses adversaires par sa courtoisie, son charme, sa manière réservée et son autorité paisible. Hubmaier l’avait convaincu du bien-fondé du baptême du croyant. Comme Menno Simons, Denck savait qu’il fallait soumettre la raison au test de l’Écriture, et non l’inverse. La prophétie, les paroles intérieures de l’Esprit, les visions et le raisonnement, tout doit être passé au crible de l’enseignement objectif de la Bible ; la compréhension de la Parole commence par le respect des enseignements de Jésus dans les évangiles. Denck avertissait que la confiance dans la Parole écrite seule pouvait facilement aboutir à un légalisme mort, si on ne s’appuyait pas en même temps sur les directives du Saint-Esprit dans le cœur. L’amour de Dieu était au centre de sa foi. Il rappelait aux gens que seuls ceux qui suivent véritablement le Christ dans une vie de sainteté pratique peuvent vraiment saisir la pensée de Dieu.
En tant que collègue réformateur de Luther à Wittenberg, Andreas Carlstadt l’incitait souvent à prêter davantage attention dans sa prédication à l’importance de suivre Jésus dans la vie, car pour beaucoup l’insistance de la Réformation sur la grâce signifiait que les œuvres ne sont plus tellement importantes pourvu qu’on croit en Christ. Il encourageait également la célébration de la Sainte Cène comme un simple mémorial de ce que Christ a accompli sur la croix, sans aucune connotation sacramentelle.
Hans Hut, natif de Thuringen en Allemagne, fut un anabaptiste itinérant vigoureux qui gagna aussi des milliers de personnes à Christ. Finalement arrêté en Autriche en 1527, il fut atrocement torturé et mourut quelques jours plus tard.
Signalons encore Michael Sattler, un réformateur radical remaruablement courageux. Prédicateur luthérien formé tout seul, il entretint des rapports amicaux avec Zwingli, mais finit par se séparer de lui sur la question de l’ingérence de l’État dans la réforme religieuse. La plupart de ces réformateurs radicaux étaient partisans de la non-violence dans tout ce qui concernait le royaume de Christ, du respect aimable de tous et du refus de faire intentionnellement du mal à quelqu’un sous quelque forme que ce soit. Ils refusaient les actions en justice pour régler les conflits entre chrétiens, mais ils acceptaient de porter les armes pour défendre leur pays et maintenir un minimum de loi et d’ordre.
Ne trouvez-vous pas quelque peu étrange que beaucoup d’historiens aient semblé pressés de discréditer les paroles de Jésus :
« Je bâtirai Mon Église, et les portes du séjour des morts ne prévaudront pas contre elle » (Mt 16.18) ?
Depuis la Pentecôte des groupes d’authentiques chrétiens ont toujours existé au milieu des ténèbres environnantes. Méprisés par les puissances qui n’avaient de chrétien que le nom, des gens, le plus souvent pauvres et ordinaires, vivaient plus près de Jésus que bien des bigots religieux assoiffés de pouvoir qui constituaient l’essentiel de l’église officielle. Pendant que la papauté s’efforçait pendant des siècles de dominer l’Europe, beaucoup de gens simples ont calmement choisi de placer leur confiance en Christ.
Leurs noms sont inscrits dans les cieux, même s’ils sont ignorés sur la terre.
Commençons maintenant à examiner de plus près l’enseignement de Jean Calvin. Prenons ses propos dans son commentaire de la Genèse, où il déclare qu’à cause de la chute :
« Nous naissons vicieux et pervers… qu’étant perdus et condamnés nous sommes sujets à la mort. Notre condition est héréditaire et en même temps la peine est juste dont Dieu a puni tout le genre humain. » 3
Cette citation ne soulève-t-elle pas quelques questions ? Sommes-nous tous perdus et condamnés à cause du péché d’Adam ? Ou bien est-ce notre propre péché qui nous rend coupables devant Dieu, ou à la fois celui d’Adam et le nôtre ? La mort physique nous atteint tous à cause de la chute, mais sommes-nous spirituellement condamnés uniquement à cause du péché d’Adam ? N’avons-nous pas besoin de pardon et de purification à cause de notre inclinaison librement choisie aux désirs coupables ?
Job est déclaré « intègre ». Comment Job pouvait-il marcher de façon juste et intègre – et il l’a fait – et être déclaré intègre s’il était coupable en raison de la chute seule ? Le Nouveau Testament nous exhorte à nous conduire de façon intègre, mais cet encouragement aurait-il un sens si nous étions tous condamnés à cause du péché d’Adam ?
En vérité, la croix de Christ place tous les êtres humains sur une même base fondamentale de rédemption potentielle. Mais pour découvrir ce qui peut induire en erreur dans certaines affirmations de Calvin, nous devrons aborder les thèmes présentés dans les chapitres suivants 4 et nous émerveiller de la tendresse, de la bonté et de la compassion de Dieu.
Je n’ai pas l’intention dans ce petit livre d’examiner tous les points non convaincants ou inconséquents des écrits de Calvin, au milieu de choses par ailleurs remarquables, mais en jetant un regard nouveau sur les thèmes de l’acronyme TULIP, nous pouvons acquérir une vision biblique plus équilibrée à propos de la vraie nature de la souveraineté de Dieu et de notre liberté de choix. Notre amour de la Parole de Dieu devrait nous affranchir de la dépendance des opinions des hommes, et permettre à toute l’Écriture de parler à notre cœur. Nous sommes constamment devant ce choix. Ou bien nous acceptons humblement et honnêtement toute la Parole de Dieu dans son sens clair, ou bien nous laissons les opinions humaines compromettre son impact et notre perception des choses. Cela ne signifie évidemment pas que nous devions fermer notre cœur à ce que Dieu pourrait vouloir nous enseigner grâce à la perspicacité spirituelle pratique et valable des autres, y compris de Calvin. Nous devons cependant comparer les choses entendues et reçues à toute l’Écriture. Elles doivent s’accorder parfaitement avec elle, si nous les étudions dans une attitude de prière et dans la dépendance du Saint-Esprit.
Lorsque en 1620 quelques pèlerins embarquèrent à bord du « Speedwell », à Delft Haven, aux Pays-Bas, John Robinson, un prédicateur anglais, leur adressa ces paroles solennelles :
« Je vous adjure devant Dieu et les anges bien- heureux de ne me suivre qu’en tant que vous m’avez vu suivre le Seigneur Jésus-Christ. Si Dieu vous révèle quelque chose par un autre de ses serviteurs, soyez aussi prompts à obéir que si vous l’aviez reçu par mon ministère. Je suis absolument convaincu que le Seigneur a d’autres vérités à nous communiquer par sa sainte Parole. Pour ma part, je ne puis assez déplorer la condition de ces églises réformées qui ont acquis un certain degré de religion, mais ne veulent pas aller au-delà des instruments de leur réformation.
Les luthériens ne peuvent voir que ce que vit Luther ; ils mourraient plutôt que d’accepter tel aspect de la vérité révélée à Calvin. Quant aux calvinistes, vous le savez, ils se cramponnent à l’héritage laissé par ce grand homme de Dieu, qui pourtant ne savait pas toutes choses.
C’est une pauvreté lamentable, car, si ces hommes ont été, en leur temps, des lampes qui brûlèrent et luirent dans les ténèbres, ils n’avaient pas encore pénétré dans tout le conseil de Dieu.
S’ils vivaient de nos jours, ils seraient prêts à embrasser une lumière plus intense que celle qui les avait d’abord éclairés. Car il est impossible, en effet, au monde chrétien – plongé encore si récemment dans les épaisses ténèbres anti-chrétiennes – d’arriver tout d’un coup à la perfection de la connaissance. » 5
L’esprit anabaptiste s’est forgé dans la matrice d’une église qui défend la liberté religieuse et la séparation de l’Église et de l’État. Beaucoup de calvinistes de notre temps apprécient cette lumière et cette liberté sans se rendre compte qu’ils les doivent à leurs vrais ancêtres historiques du mouvement radical de réformation. Jésus avait affirmé de façon très catégorique qu’Il bâtirait Son Église et que les portes de l’enfer ne prévaudraient pas contre elle (cf. Matthieu16.18).
John Darby (1800-1882), qui mérite notre reconnaissance pour d’excellentes traductions de la Bible en français et en anglais, était une figure éminente dans le mouvement des Frères. Il enseignait pourtant que l’Église était en ruines, contredisant ainsi les paroles de Jésus et les preuves que depuis la Pentecôte, il a toujours existé dans le monde un fil solide d’intégrité théologique et de pratique néo-testamentaire, qui a été préservé à travers la période de la Réformation. C’est le Nouveau Testament lui-même, et non les confessions de foi ou les brochures et tracts, qui est resté l’autorité et le guide suprême pour des milliers de croyants dont les exploits remplis de foi et d’obéissance sont à jamais consignés dans les cieux.
¹Madame G. Brunel, Jean Calvin, 1934, p. 145 ; T.H.L. Parker, John Calvin, A Biography.)
2 E.H. Broadbent, L’Église Ignorée, Éditions IMPACT, Canada, 1998, p. 198.
3 Commentaires sur l’Ancien Testament, Le livre de la Genèse, Labor et Fides, 1961, p. 73.
4. Dans le livre papier, ce chapitre est le premier ! Avec l’accord de Dudley, dans l’optique de découverte de ce site, j’ai jugé opportun de le placer en annexe.
5 F.H. Broadbent, L’Église Ignorée, Editions Impact, Canada, 1998, p. 257.
Dudley WARD se définit comme missionnaire, engagé avec son épouse Jill dans l’évangélisation, la distribution de littérature, l’encouragement des serviteurs de Dieu dans leur passion pour le ministère chrétien.
Cette série d’articles est tirée du livre de Dudley, « Programmés par Dieu ou libres de le servir ? » aux Editions Oasis (épuisé, mais j’ai encore quelques exemplaires). Vous pouvez écouter son message ici : https://www.youtube.com/watch?v=dh1GFyR72Ck et https://www.youtube.com/watch?v=u-vKC6FwA7g